Le succès, intensément critiqué, du Marvel Cinematic Universe aujourd'hui aurait tendance à faire oublier que la marque revient de loin.


En effet, le milieu des années 90 marque un sacré creux de la vague pour l'écurie Marvel, qui souffre d'un gros coup de moins bien dans ses ventes comics et de la gestion hasardeuse de son big boss Ron Perelman.


Le creux de la vague ? Parler du bord du gouffre serait plus réaliste. Criblé de dettes, l'éditeur est en faillite. Et ne doit sa survie qu'à son rachat effectué par sa filiale figurines et produits dérivés, Toy Biz, en 1998. Un rachat en forme de fusion et de création de Marvel Enterprises, sous la houlette du fameux Avi Arad qui, sans le savoir, est en train de changer pour toujours la face de l' entertainment hollywoodien.


Marvel, à cette période, avait déjà ventilé les droits de certains de ses personnages à des studios ou majors tiers, n'ayant pas les reins assez solides pour supporter à lui seul la production de longs métrages. Et ce sont certains bijoux de la couronne qui sont cédés, comme Spider-Man, au bénéfice de Columbia / Sony, ou les X-Men, qui ont longtemps fait les beaux jours de la Fox.


Parmi les personnages ainsi adoptés, il y a Blade, second couteau de la galaxie Marvel, qui n'a eu droit qu'en 1994 à sa série solo après quelques apparitions remarquées. Un inconnu du grand public donc. Un gros handicap qui pourtant n'empêchera pas New Line, qui a récupéré dans son escarcelle les droits d'adaptation, de livrer, pour la Maison des Idées, le premier film qui tienne la route centré sur l'un de ses ambassadeurs.


Un personnage noir qui plus est.


Blade s'impose donc comme un précurseur, vingt ans avant Black Panther et son pseudo buzz hystérique confondant avec une ignorance assez effrayante le souci de représentativité et l'alibi d'une visibilité en trompe l'oeil.


Oui, décidément, certains ont la mémoire bien courte.


Revoir Blade aujourd'hui rappelle à quel point Chadwick Boseman, tout honorable soit-il, est cependant loin du charisme animal de Wesley Snipes, totalement investi par son rôle, tout en grâce féline et en puissance brute. Le film, lui, est d'une efficacité assez redoutable, à l'image d'une séquence inaugurale du feu de dieu, le temps d'une virée disco et d'une douche pourpre aux allures tribales et orgiaques se finissant dans une scène d'action dynamique et découpée avec goût. Tandis que l'aspect visuel de l'oeuvre se montre des plus soignés et travaillés.


Sa déambulation urbaine est sombre, baignée à la fois d'une modernité épurée et de la crasse des bas-fonds, virant vers le western le temps d'un face à face en pleine lumière du jour. Des influences lorgnant vers l'Egypte antique, ou encore vers une touche d'action asiatique, ou encore le polar hard boiled, le film d'horreur et certains débordement très Tex Avery, font de Blade un mélange culturel assez détonnant, préfigurant le choc ultime du spectacle melting pot qui sera bientôt proposé par les frères Wachowski.


Le film sera donc un véritable plaisir à suivre, d'autant plus qu'en face de Wesley, Stephen Dorff prend un main plaisir à jouer les méchants, livrant un Deacon Frost tout à la fois cruel, désinvolte et charmeur.


Cependant, Blade n'est pas exempt de défauts puisque le troisième acte de l'oeuvre s'avère assez brouillon, certaines séquences semblant contrarier le plan de Frost, tandis que les effets spéciaux déployés, déjà perfectibles, ont aujourd'hui pris un sacré coup de vieux.


Mais pas de quoi entamer l'aura du Diurnambule, personnage faussement unidimensionnel, coincé entre la lutte contre ses penchants et la quête de ses origines. Assez fascinant, attirant, Wesley est Blade, à l'évidence, servant un très bon divertissement qui pourra être vu comme une dent de lait pour Marvel, qui était encore bien loin, en 1998, d'envisager un quelconque univers cinématographique partagé.


Behind_the_Mask, entretien avec un vampire.

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le 25 janv. 2020

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