Ce nouveau visionnage est très bien passé. Mieux que les précédents.
L'intrigue est globalement assez bien ficelée : en guise de film de contamination, l'auteur s'intéresse ici à ce qu'il se passe dans un centre de mise en quarantaine. Plus que ça, il s'intéresse à l'intime, aux petites choses auxquelles on peut se raccrocher dans pareille situation, sans en faire des caisses non plus. À cela s'ajoute un traitement sur l'homme, la société qu'il recrée constamment, la tentative de retrouver un équilibre. En fait, on s'interroge sur l'homme. Et le résultat n'est pas très beau. Car si on suit de près un petit groupe de survivants et qu'ils parviennent à trouver une forme d'harmonie sur la fin, on ne peut s'empêcher de remarquer partout autour le désastre, le déclin humain, la difficulté de bâtir une base scène dans un respect mutuel. C'est un film assez triste sur notre égoïsme, et le final laisse supposer que même notre gentil petit groupe n'y coupe pas totalement.
Sans doute l'héroïne aurait mérité une scène introductive plus éloquente ; en même temps la manière dont elle prend le dessus, dont elle se hisse en tant que personnage principal fait écho avec son combat à elle : ses compétences de femme au foyer sont désormais indispensables pour que les autres survivent.
Les personnages secondaires sont peut-être trop nombreux, de ce fait, nous n'en tirons pas grand chose, comme le gamin qui est plus là en tant que symbole qu'autre chose vu la faible exploitation que l'auteur en fait au niveau de l'intrigue elle-même. Malgré ces faiblesses, ça marche, parce qu'il y a cette survie au travers de conflits permanents : trouver son chemin, nettoyer un minimum pour que ce ne soit pas une porcherie, gérer les disputes, trouver de quoi manger, enterrer les morts, négocier, ... C'est assez dense en fait et les quelques accalmies sont toujours les bienvenues, surtout lorsqu'elles permettent d'approfondir la psychologie de l'héroïne. Constamment on se demande jusqu'où pourra-t-elle encaisser ?
La mise en scène est adéquate. Une caméra épaule que je redoutais dans un premier temps et qui finalement s'installe bien, parce que l'on ne se sent pas trop secoué inutilement ; au contraire, ce choix permet de mieux s'identifier à ce que vivent les protagonistes. C'est certainement une des intentions du réalisateur qui joue avec la vue subjective et filme au plus près et au plus calme les petites intimités de certains personnages. Le plus souvent possible il essaie de nous faire partager ce que ressentent les personnages, comme lorsque l'héroïne se retrouve au sous-sol d'un magasin, seule dans l'obscurité : nous l'accompagnons, nous sommes aveugles comme elle (mais de noir cette fois) et l'on se demande ce qu'elle va trouver.
Les décors sont très bien trouvés et le travail sur la décoration est impeccable : ainsi, on sent progressivement la saleté s'installer, cette dernière remplaçant le côté épique que l'on retrouve habituellement dans ce genre de production ; en effet, pas besoin d'avoir une vue aérienne de la ville ravagée, juste quelques plans de rues ou de magasins bien composés avec des déchets partout suffisent à marquer le spectateur.
L'on peut regretter que le travail sonore ne soit pas plus poussé, on dirait que personne n'y a pensé ni à l'écriture du scénario ni lors du découpage et du montage du film. Il reste quelques passages mettant en valeur cet aspect technique, mais ils sont rares. En revanche, la BO est bien choisie : un air discret, qui apparaît à des moments clefs et renforce efficacement l'aspect dramatique d'une situation : l'émotion m'a ainsi pris à la gorge à plusieurs reprises, grâce à des petites touches ici et là, au travers d'images simples et de cette ambiance musicale douce, tendre.
Les acteurs, enfin, font un excellent travail. Jouer l'aveugle n'est pas simple, et certains y parviennent moins bien que d'autres, mais globalement, grâce à un bon découpage notamment, on y croit. Et je trouve ça impressionnant de voir que les acteurs mais aussi des figurants ont été prêt à tourner des scènes de nu difficiles pour ce film.
Bizarrement, le film ne tombe jamais dans le misérabilisme. Probablement parce que les coups durs sont amenés sous forme de conflits et que nos héros bénéficient de petites victoires régulièrement. Donc tout n'est pas sombre, même si certains passages sont très glauques (la vente des femmes par exemple). On sent aussi le regard bienveillant du réalisateur qui, malgré un pessimisme général, garde un petit espoir qu'il reste des gens bien en toutes circonstances, ou qui en tous cas peuvent se motiver mutuellement pour rester digne.
Bref, j'ai beaucoup apprécié ce film ; j'y reconnais des défauts, mais j'ai vécu un moment de cinéma intense : j'ai ri, j'ai pleuré, j'ai aimé ces personnages et je ne me suis pas ennuyé une seule seconde.