Un slasher franchement plutôt réussi, notamment grâce à son scénario : la scène d'intro nous montre un meurtre commis par un enfant sous les yeux de son frère jumeau, avant que l'enfant meurtrier ne donne l'arme à son frère et le barbouille de sang. Le frère accusé à tort reste catatonique à l'asile pendant dix ans. Devenu adulte, il sort de son trauma et dénonce enfin son frère, qui mène une vie normale dans la société. Quand le jumeau innocent s'évade la nuit de thanksgiving, le jumeau meurtrier recommence à tuer. Dans tout cela, la mère est un personnage de tragédie grecque, qui semble avoir été abandonnée par le père, qui sombre dans une sorte de folie douce tout au long du film, et qui peine à admettre la vérité : son fils innocent est resté à l'asile pendant qu'elle a élevé le fils meurtrier.
Bref, un slasher un peu moins débile dans le fond, que la plupart de ceux écrits à cette époque, même si évidemment ce n'est pas du Bergman. Il y a évidemment quelques scènes ratées par ci par là, on est dans du Bis des 80s, il faut faire avec les incohérences. Mais il y a de l'idée, c'est un peu creusé, et donc on ne s'étonne pas de constater que le scénariste Bruce Rubin ait une vraie petite filmographie ("L'échelle de Jacob", "Ghost", "Les nuits avec mon ennemie", "Deadly Friend" réalisé par Wes Craven...)
La mise en scène n'est pas tout à fait à la hauteur de ce scénario solide, et on peut s'imaginer ce que ça aurait donné avec un Carpenter ou un Craven. Là c'est un inconnu, John Grissmer, qui s'attèle à la tâche : c'est correct, mais pas grandiose. Par exemple, les nuits sont trop éclairées pour faire peur. Le décor est mal présenté, on met un temps à comprendre où l'action se déroule, un complexe de lotissements propret appelé "Shadow Woods", élément d'artificialité qui aurait pu être intéressant mais qui n'est pas du tout exploité. Autre petit détail, dans les dialogues on nous dit que c'est Thanksgiving et tout le monde est en t-shirt marcel ou bien carrément à oilpé, il a pas l'air de faire bien froid pour fin novembre... Par contre les musiques 80's sont assez stylées, on dirait presque une B.O. de Quentin Dupieux. Il y a parfois des nappes assez perturbantes, à la Lynch, et certaines musiques horrifiques viennent de manière surprenante sur des scènes plus "psychologiques", comme quand la mère ivre morte se ridiculise auprès d'une opératrice téléphonique, ce qui est plutôt bouleversant au final. Les acteurs sont à la fois mauvais et bons : le côté théâtral donne un aspect presque à la Lynch là aussi, notamment du côté de la Mère. Elle est jouée Louise Lasser, une ex de Woody Allen qui a joué dans quelques uns de ces films, et qui y va à fond dans l'extravagance de son personnage au bord de la crise de nerfs. Une version kitsch de Gena Rowlands, ou un peu à la Grace Zabriskie dans Twin Peaks. Un seul acteur joue les deux jumeaux, et franchement n'ayant pas cette info avant le film j'ai cru qu'ils avaient engagé deux frères, cela veut donc dire que le gars (Mark Soper) s'est bien débrouillé. Dans l'ensemble, comme les personnages sont attachants - notamment le jumeau innocent, et la pauvre mère à la fois un peu coupable de tout cela, mais qu'on plaint totalement - le final nous émeut un peu.
Enfin les meurtres sont pas trop ratés, dans un gore un peu too much comme tout le reste du film, mais qui passe. C'est ce mélange qui est intéressant dans tout le film : c'est too much, ça a un charme comique et kitsch par moment, et en même temps le scénario apporte un fond un peu touchant et sérieux. Petite pépite.