Une oreille tranchée pour un résultat bancal
Blue Velvet, film considéré comme culte et parmi les meilleurs que le controversé David Lynch a réalisé. Thématique du rêve, ambiance morbide et personnages extravagants, les ingrédients sont là et la recette peut être préparée par le chef. Problème, c'est fade, ça manque de cœur et ça laisse un côté "pas terminé".
Car Blue Velvet a un potentiel énorme : un casting sublime, un réalisateur qu'on aime ou pas mais qui, indéniablement, a du talent et un scénario a priori à la fois morbide et prenant. Et même comme un avant-goût de Twin Peaks, série mythique et fondatrice d'un genre bien particulier de la télévision, se fait ressentir dans ce film. Soyons clair : dans une petite bourgade bien tranquille, un jeune homme tout ce qu'il y a de plus agréable trouve une oreille dans un endroit abandonné et se retrouve embarqué dans une affaire de kidnapping et de viol commis par un maniaque comme on n'en fait pas tous les jours. Il va tout au long de son enquête, découvrir des protagonistes hauts en couleurs et parfois extrêmement dangereux dans des situations grotesques, à la limite du rêve. Il va sans dire donc qu'une comparaison se fait automatiquement pour qui a pu voir la série dans son intégralité.
Et c'est là le premier problème. Twin Peaks avait un univers chargé et extrêmement complexe, construit de telle sorte qu'on avait toujours à découvrir quelque chose, mystique voire même magique dans certains aspects et rudimentaires dans d'autres. Le format série permettait un attachement aux personnages (Dale Cooper !) et assurait un suspense parfois insoutenable en ce qui concernait les péripéties des multiples héros. Or, Blue Velvet manque de souffle et ne propose rien de plus qu'une intrigue franchement basique où les sens multiples et autres théories appliquées aux détails des films de Lynch sont abandonnés pour le profit (ou pas), d'une intrigue simpliste et pas forcément palpitante. Clairement, le réalisateur ne fait que réunir les éléments distinctifs qui font sa signature, sans y insuffler l'émotion et les rêveries qu'on adore, sans les utiliser intelligemment : on a l'impression de voir David Lynch faire du David Lynch a renfort de grosses ficelles scénaristiques et d'éléments préconçus.
Tout est relativement surfait, de l'aura d'un film dont on se passerait presque à côté de chefs-d'œuvre comme Mulholland Drive ou bien même Elephant Man, jusqu'au jeu des acteurs et surtout Dennis Hopper, grand méchant de l'histoire. On est sensé avoir peur, on veut pouvoir participer aux aventures, prendre goût à cette enquête et vouloir raisonner Kyle Maclachlan lorsqu'il couche avec la victime (d'une manière tout à fait sordide soit dit en passant et dont on ne comprend pas réellement le propos, le but final), mais rien n'y fait, on reste spectateur sans jamais trop pouvoir s'impliquer émotionnellement.
On restera finalement sur sa fin. Le film n'est pas mauvais en soi, mais il est loin d'être bon et c'est ce qui lui est vraiment reproché. Parfois bancal, parfois intéressant, certaines scènes peuvent ressortir du lot mais sans jamais réellement marquer les esprits, si bien qu'une semaine après son visionnage, le film n'est plus qu'une idée vague dans la tête du cinéphile. A noter que Laura Dern est très loin de sa performance dans Sailor et Lula, voire même agaçante et particulièrement laide. L'histoire ne prend pas réellement et il manque un quelque chose : le cœur à l'ouvrage, le soucis du travail bien fait, bien construit et des ingrédients plus fins, plus digestes.