Alors que les films intimistes du microcosme parisien et les comédies au ras des pâquerettes se partagent une part de l'industrie cinématographique française, quelques films prennent de la hauteur et surprennent par leur documentation et leur prise directe avec l'actualité.
Cette Boîte Noire tient la route, que ce soit dans l'art de faire monter la tension pour l'enquête ou dans le domaine technique où le metteur en scène a été conseillé par le BEA (« Bureau d'enquêtes et d'analyses ). En ce qui me concerne cet aspect technique bien documenté m'a autant intéressé que l'enquête proprement dite, même s'il faut quelques prérequis pour connaître certains termes techniques.
Le CVR (enregistreur phonique) est un type de boîte noire qui fournit les principales données utilisées par l'acousticien concernant les bruits du cockpit, même les plus inaudibles. La défaillance de MHD (non, ce n'est pas le rappeur qui pilote) est une défaillance du système d'anti-décrochage. Contrairement à SAFRAN le constructeur ATRIAN est fictif, comme Pégase Sécurity.
Mais le film ne reste pas cantonné à la technique et évoque aussi les enjeux colossaux que coûtent aux avionneurs les erreurs de conception quand elles sont responsables de crash, comme pour Boeing avec ses 737 MAX. Les conflits d'intérêt pourraient survenir dans ce contexte, même si à l'heure actuelle, aucun cas de pressions sur les conclusions de l'enquête n'a été constaté par le BEA. Enfin l'essor de l'informatique à bord s'accompagne du danger de cyberattaques, mais les industriels affirment que les informations ne peuvent en aucun cas passer de la cabine au cockpit. D’autres formes de cyberattaques pourraient voir le jour dans la cabine, comme le vol des coordonnées bancaires des passagers. En cherchant une approximation technique on pourrait reprocher la facilité scénaristique de la présence d'un seul enquêteur qui mène l'enquête, alors que dans la réalité c'est une équipe de 15 à 20 enquêteurs.
La principale réussite de Yann Gozlan est de s'inspirer du cinéma américain sans tomber dans ses défauts les plus courants.
Concernant l'enquêteur lui-même, Pierre Niney est bien plus crédible dans le rôle de l'enquêteur pointilleux que ne le seraient Tom Cruise ou Bruce Willis dans un blockbuster américain. Et Lou de Laâge est la bonne surprise du casting, où tous les autres acteurs sont excellents. Pas d'accumulation de scènes d'action bruyantes, pas vraiment de happy end comme dans les productions américaines de série, et c'est tant mieux.
Certes les causes de l'accident dévoilées à la fin sont irréalistes, et la sécurisation des réseaux informatiques poussée à l'extrême rend un tel accident hautement improbable. Mais, en dépit des fausses pistes qu'il a semées, Yann Gozlan a su garder le cap du suspense et nous a emmené à destination sans erreur de pilotage.