Avant tout, notons qu'il est étrange qu'un roman qui a rencontré un tel succès et un tel retentissement, n'ait jamais connu qu'une seule et unique adaptation. Mais quelle adaptation. Certes, le film n'est pas sans défaut et souffre par exemple (légèrement) du poids de l'écrit (ces longs monologues intérieurs de Jean Seberg en guise de narration un peu lourde, souci régulier des adaptations). Mais, même là, ce qui pourrait ennuyer trouve rapidement toute sa beauté, le monologue étant le signe d'une solitude, même vécue ensemble.

Fourmillant de trouvailles, Bonjour Tristesse parvient à retranscrire à sa manière (visuelle) tout l'esprit du roman de Françoise Sagan: mêler une certaine frivolité à un mal étrange qu'on appelle la nostalgie des jours heureux. En un mot, la mélancolie. Le découpage du film en noir et blanc (pour le présent) et en couleurs (pour le passé), c'est une idée qui vient véritablement trouver son sens vers la fin du film: le présent est perpétuellement en deuil d'un passé magnifié. Si Otto Preminger a d'abord souhaité filmer la fin de l'innocence, il a choisi de le faire à travers le prisme d'une douleur inextinguible et qui ne se dilue pas dans la légèreté, bien au contraire.

C'est donc aussi une forme bizarre de pré-teen-movie, un film sur le passage à un âge qui n'est plus celui de l'enfance (la mort de la figure maternelle) mais qui renonce à être un âge tout à fait adulte. Avec la fin de l'été et des vacances (l'insouciance) s'est installé un automne omniprésent venu teinter de son gris, de son terne la couleur du film.

Le choix d'opposer la toute jeune Jean Seberg (dont ce n'est, en 1958, que le deuxième film) à Deborah Kerr (figure d'un certain âge d'or hollywoodien) n'est évidemment pas non plus anodin et vient conforter l'idée que la nostalgie de Cécile se confond avec celle de Preminger pour une époque révolue du cinéma, un an à peine avant qu'il ne soit réinventé par les 400 coups et A bout de souffle (en 1960) avec la même jean Seberg. Comme si Bonjour Tristesse était avant tout un film de transition entre deux époques de l'Histoire du Cinéma.



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le 14 nov. 2011

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