Après un marathon du livre très long et engagé (ça n'a en réalité duré que quelques jours), mes yeux, fatigués par la monotonie de leur exercice et forts désireux de sensations, voulurent s'offrir quelques délectations cinématographiques... J'ai donc, à bride abattue et hasardement, fouillé des montagnes de listes et classements réunissants les meilleurs films à la recherche d'une claque potentielle. Une heure s'écoule et mon regard se pose enfin sur cette jolie paire d'ailes séraphique suspendue à un captivant Brazil rose fluorescent. Coup de foudre. Sans même prêter attention aux autres détails majeurs du film (que voulez-vous, l'amour rend aveugle), je me le procure très vite et le visionne. Claque ! Ce film s'avère être d'un dystopisme des plus troublants, parfois non conventionnel. En effet Terry Gilliam, l'ex Monty Python, nous fabrique ici un univers mi-rétro, mi-futuriste, dans lequel le personnage principal Sam Lowry fuit progressivement la réalité en se révoltant, poursuivant sa quête de l'amour à travers des distractions oniriques. Ce monde cabalistique dirigé par de grotesques bureaucrates avides d'un système tendant à la totalité est animé par des personnages baroques (parfois grotesques), de magnifiques paysages et de fantasmes surréalistes d'un exotisme conséquent.

La singularité de ce film tire par ailleurs sa force dans de nombreuses oeuvres artistiques. Assurément, c'est un véritable puits à prestiges cinématographiques, avec notamment un clin d'oeil explicite au Vertigo (Sueurs froides) d'Alfred Hitchcock (je ne citerai pas les scènes afin d'en préserver la magie). Un autre plus modéré à Stanley Kubrick (et Les Sentiers de la gloire), avec un long et cahotant travelling - magnifiquement exécuté. On peut également y discerner des influences littéraires telles que Le Procès de Kafka ou 1984 de George Orwell, qui d'ailleurs, a été adapté - médiocrement - au cinéma par Michael Radford en 1984, un an avant Brazil. Certains décors surréalistes tapissés de créatures délirantes nous font naturellement faire le rapprochement avec les tableaux du peintre Dali. Et cetera... Derrière cet aspect artistique pour le moins fascinant se trouve aussi une dimension psychologique - propre à la dystopie - qui peut s'établir en une question : est-ce que l'abus d'autorité peut influer considérablement sur les moeurs et le comportement humain ? Bien sûr, une étude réalisée en 1963 (L'expérience de Milgram) par un psychologue américain l'a en grande partie prouvé. Et sur court terme, de surcroît. Inquiétant, n'est-ce pas ?

Si vous appréciez les oeuvres non conventionnelles, si vous aimeriez découvrir un Robert de Niro moustachu en plombier du futur (Super Mario sort la même année, coïncidence ou fumisterie ?), il faut absolument vous procurer ce film-voyage ou la réalité joue les funambules sur un câble chimérique.
Arlaim
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le 12 janv. 2013

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