En dépit de ses quelques longueurs et de l’interprétation inégale de Sondra Locke, Bronco Billy est une œuvre importante dans la filmographie de son auteur puisqu’elle nous donne accès aux coulisses du spectacle qu’il donna et donnera encore en tant qu’acteur et chef de troupe mettant en scène le western. Car s’exhibe ici deux fabriques : celle de l’acteur animé par son amour pour le rôle auquel il donne vie et pour la famille qui le porte, celle de l’Histoire héroïque des États-Unis que chaque représentation continue de faire vivre en dépit de la distance – temporelle et culturelle – qui la sépare de sa réception. Se construit et se déconstruit sous nos yeux le mythe de l’Ouest américain avec ses cowboys, ses Indiens danseurs et ses chevaux lancés au galop, pour un show fictif qui n’est pas sans rappeler celui donné par Buffalo Bill (le Wild West Show) pendant trente ans.


Et l’intelligence de la démarche entreprise par Clint Eastwood est de relire cette fabrique de l’Histoire à la lumière du credo qui obsède tant ses personnages : le self-made-man. Tous les acteurs du spectacle forain affirment trouver dans leur professeur itinéraire l’occasion de devenir celui ou celle qu’ils ont décidés d’être : les costumes, le maquillage, les tours réalisés devant le public, tout cela construit une identité à la fois de groupe et d’individualités singulières, tout cela refonde une famille non plus unie par les liens du sang mais partageant une même foi placée en le rêve, américain en l’occurrence, ce rêve qui, le temps de la représentation, confond l’acteur et le rôle qu’il interprète.


Le cinéaste orchestre ainsi un très beau chant du cygne – celui du western contraint de quitter ses hautes plaines pour vagabonder de ville en ville – qu’il ne place pas sous le signe de la mélancolie négative mais sous celui d’une nostalgie revigorée ; ce faisant, il offre une puissante – quoique fort simple – réflexion sur le métier de comédien, miroir dans lequel il se regarde et s’interroge. Pourtant, cette introspection de l’acteur/réalisateur réussit à éviter tout narcissisme pour brosser le portrait de personnages attachants, preuve de l’importance qu’accorde Eastwood à l’acteur qu’il met en scène avec un amour sincère. Preuve surtout qu’un cinéaste ou qu’un acteur ne vaut rien sans sa famille, marginaux au grand cœur, fausses Squaws et « grands gosses dans des carcasses d’hommes ».

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le 23 déc. 2020

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