Décidément, les grosses productions d'Hollywood lorgnent de plus en plus souvent vers les années 50, dès lors qu'il s'agit d'évoquer les Etats-Unis. L'âge d'or de cette civilisation, peut-être ? L'époque en tout cas d'une certaine prospérité, mais aussi celle de la montée des revendications pour les droits civiques des minorités. Après "Green book sur les routes du sud", voici "Brooklyn affairs", un peu dans la même tonalité. Même si cette fois, on est dans le registre du film noir - dont les années 50 furent justement l'âge d'or - et non plus dans celui du road movie.


Depuis lors, quatre décennies de néolibéralisme sont passées par là et on littéralement dévasté le pays, tout en engraissant copieusement quelques happy few. Alors, cette résurgence des fifties serait-elle une forme de nostalgie d'une époque heureuse pour le plus grand nombre ? Ou bien est-ce, tant l'industrie cinématographique lui est intiment liée, le symptôme d'un pays qui s'interroge et commence à remettre en cause les orientations qu'il a pris dans son passé récent ? Les prémisses d'une forme, allons-y franco, de révolution culturelle dont l'ascension de Bernie Sanders serait une autre manifestation.


Qui sait ? Toujours est-il que ce film n'y va pas de main morte s'agissant de dénoncer les inégalités raciales et sociales comme de critiquer les magnats, ici de l'immobilier. Le grand salopard est interprété par Alec Baldwin, qui a pris quelques kilos depuis qu'il incarna Jack Ryan dans "A la poursuite d'Octobre Rouge". Très bon d'ailleurs, dans les quelques monologues où il fait l'apologie de son esprit d'entreprise et justifie par un darwinisme bon teint ses actes les plus répréhensibles d'un point de vue éthique. Un autre revenant des eighties - nineties apparait, dans ce film, d'ailleurs : Willem Dafoe, pas mauvais non plus et au visage plus émacié que jamais, malgré la barbe dont il est affublé. Sans oublier, last but not least, Bruce "die hard" Willis.


Voilà, difficile de dire qu'il s'agit d'un mauvais film, ce qui serait tout de même affligeant étant donné les ressources qui y ont été engagées : avoir des moyens, ça ne fait pas tout, mais ça peut aider. Le scénario, même s'il apparait parfois un peu embrouillé, se tient. La reconstitution du New-York de l'époque aussi. Mais tout ça est évidemment sans surprise, d'un classicisme avéré, avec alternances de passages d'action et de moments plus intimistes, voire romantiques. La bande son : jazzy, comme de bien entendu. Et on aura droit, Hollywood oblige, à l'inévitable happy end, avec plage et panorama maritime. Plutôt sympa dans l'ensemble, quand même : on ne s'ennuie pas durant les deux heures trente de visionnage. Mais avec des personnages principaux, handicapé pour l'un et noire pour l'autre, il faut savoir laisser les bons sentiments, qui dégoulinent parfois du film, glisser comme la goutte d'eau sur le dos du canard.

Marcus31
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le 15 févr. 2020

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