Cafe Flesh
6.2
Cafe Flesh

Film de Stephen Sayadian (1982)

Étrange expérience que ce Café. Une fois la porte blindée refermée, ses bras nous tirent vers l’abysse pour laisser libre court à notre expectation. Il paraît que c’est « normal » pour de la pornographie expérimentale.


Qu’est-ce que la normalité d’ailleurs ? Le film de Stephen Sayadian vous donnera probablement envie de vous poser la question sans toutefois avoir la décence d’y apporter une réponse. Pire encore, il vous fera douter de la notion même de pornographie. Intéressant n’est-il pas ?


Notons tout d’abord une chose, l’idée de base est séduisante : la population est scindée en deux groupes, les positifs et les négatifs. Les premiers sont les seuls à pouvoir jouir du plaisir sexuel. De ce fait les négatifs se réunissent dans un café pour observer avec envie les positifs. Chaque soir, ces derniers s’adonnent à leurs pulsions devant les yeux écarquillés de leurs semblables. Plus que des scènes de sexe c’est un véritable spectacle qui s’étale devant nous. Tout est orchestré, rien ne touche de près ou de loin à la définition sociétale de la normalité. Nous voilà donc plongé dans les profondeurs d’un Café plein d’âmes mais en manque d’affect.


L’ambiance est donc le gros point fort de cette expérimentation. A l’image des années 80 et de son penchant pour le cyberpunk, celle-ci est glauque, terriblement noire et séduisante. Il faut néanmoins une mise en garde, c’est bien elle qui vous séduira et non les scènes de sexes explicites. Entre un homme crayon répandant sa semence sur les pilosités présentes ou bien un homme rat s’enivrant avec sa dulcinée, on voit peu d’éléments qui émoustilleront votre bas-ventre. Reste une scène finale plaisante malgré un roco-cop antipathique.


Puis, par-delà la brume fumante des mégots écrasés, il y a le grand manitou du Café joué par Andy Nichols. C’est lui qui donne la cadence au club, à ses soirées hallucinées et nous distille ce qui va suivre. Il cabotine, effraye et fascine.


Bien sûr, le film n’est pas exempt de défauts, mais il a au moins compris une chose : qu’importe le genre, le style ou l’idée ; avec une bonne direction artistique et un scénario ambivalent on peut accoucher d’un résultat certes dérangeant, difficile à appréhender mais non moins intéressant.


"La frustration est un job à temps plein"

Créée

le 4 août 2016

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Westmat

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