Alors bien sûr, j'ai emmené ma fille, qui a maintenant 9 ans, voir ce film, parce que j'avais bien cru comprendre que "Calamity, une enfance de Martha Jane Cannary" parlait de l'émancipation des filles du joug masculin, et que c'est un sujet qui commence à être chaque jour plus pertinent dans son éducation. Et bien entendu, ma fille n'était guère enthousiaste, car elle considère - depuis peu - qu'elle a passé l'âge de voir des dessins animés au cinéma. J'ai dû lui jurer que c'était aussi un film pour les grands.


Et de fait, au bout de cinq minutes, devant ce spectacle à la fois splendide (Quelles couleurs ! Quelle animation superbe de simplicité et d'efficacité !), saisi par la beauté épique de cette odyssée qu'était la traversée de l'Amérique encore sauvage par ces familles démunies, j'avais déjà la larme à l'oeil... J'ai passé une bonne partie de la durée du film (une heure vingt seulement, mais quand même...) à vibrer devant les aventures de la courageuse, têtue, effrontée, petite Calamity. A retrouver des sensations un peu oubliées, de mon enfance à moi : les westerns de John Ford sur la petite télé noir et blanc de ma grand-mère, la lecture des bouquins de Jack London ou Oliver Curwood. Je n'ai même pas noté les raccourcis scénaristiques bien commodes - Calamity qui s'endort alors que Sanson a disparu, Calamity qui retrouve son chemin toute seule dans le noir du labyrinthe de la mine d'or, la facilité avec laquelle est chassé par un cheval un grizzly agressif, l'absence assez étonnante au cours du périple de tribus indiennes - trois trappeurs et quelques tipis, pas grand chose, etc. Quand le film s'est terminé, j'aurais voulu que ce ne soit que le début de l'aventure, je n'avais pas envie de retourner dans le monde du Covid19.


Et ma fille, me demanderez-vous ? Eh bien, elle a beaucoup aimé l'insulte "face de bouse", s'est bien sûr étonnée de voir que les femmes n'avaient pas le droit de porter des pantalons à cette époque, alors qu'aujourd'hui elles n'ont pas le droit de porter de jupes. Et a quand même trouvé le film un peu gentillet. Elle n'a pas noté que tous les personnages masculins du film, sans exception, étaient faibles, lâches, menteurs, peu fiables, cruels, méchants, bêtes : sans doute que ça fait un moment qu'elle s'est fait la même idée sur les hommes dans sa vie quotidienne à l'école, au sport ou dans la rue.


Je vois bien ma fille en Calamity Jane, en fait, j'espère juste que sa vie sera plus facile. Mais je ne le crois pas vraiment.


[Critique écrite en 2020]

EricDebarnot
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le 17 oct. 2020

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Eric BBYoda

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