Quatrième long métrage de Luca Guadanigno, qui s'est fait connaître surtout par le déjà impressionnant Amore , produit et interprété par Tilda Swinton qui y était remarquable, Call Me By Your Name est l'adaptation du roman d'André Aciman par James Ivory. Il en fait en quelque sorte une épure et se concentre sur l'essentiel : l'histoire de la passion amoureuse, lors d'un été au début des années '80, entre un jeune homme de 17 ans et un étudiant, son aîné de sept ans, les flash back qui construisent le récit étant écartés.

Dans un décor de carte postale, Guadagigno raconte la naissance du désir d'Elio pour un étudiant invité par son père, professeur en archéologie. Dans la première partie, les séquences se succèdent rapidement jusqu'à une séquence de bal de village : il faut en effet au jeune Elio un moment pour identifier puis accepter le désir qu'il éprouve pour son aîné, incarné avec précision par Armie Hammer qui apparaît pourtant comme le cliché masculin d'une certaine beauté virile. Dans ce premier mouvement, Timothée Chalamet impose un jeu d'une grande variété : son regard trahit son trouble mais son corps raconte la gène imposée par la promiscuité ; les deux jeunes hommes doivent ainsi partager une salle de bain, séparée par les deux chambres, décor exploité avec beaucoup d'invention.

Dans le deuxième mouvement, l'éclosion de la passion amoureuse est mise en scène avec une rigueur d'une rare précision qu'il faut souligner. Tout le talent et l’intelligence de Luca Guadagnino se manifeste en effet dans la capacité à être signifiant par l’image et son montage, tant sonore que visuel, et non seulement par les dialogues ou les actions comme trop souvent au cinéma. Ainsi, un plan séquence que le spectateur ne devine qu'à son terme, devient le cadre d'une déclaration qui n'est jamais formulée. Il faut noter comment le film utilise alors sa bande sonore : les chansons sont autant de solutions narratives pour raconter l'évolution des pensées du jeune Elio. C'est ainsi la chanson "Words" de F.R David qui vient traduire les sentiments tandis que la scène de danse qui voit se rapprocher Elio de la piste et d'Oliver se fait au son des paroles : "“Love my way, it’s a new road I follow where my mind goes”. A l'écriture, le scénario ne met à l'écart aucun personnage secondaire, parents et petite amie, qui ne sont jamais des vecteurs de l'intrigue mais incarnent de véritables contre points. La photographie signée Sayombhu Mukdeeprom, collaborateur d'Apichatpong Weerasethakul, est un écrin qui fait de l'Italie de l'été 1983 un vrai paradis perdu tandis qu'il est difficile de résister aux chansons délicates composées par Sufjan Stevens. Certains relèvent cependant la pudibonderie du film, pourtant il se dégage dans la deuxième partie une tension érotique bien plus forte qu'une éventuelle scène de coït qui n'aurait pas été à sa place.
Call Me By Your Name a su saisir la profondeur du mélodrame classique : dans les derniers plans, on saisit tout le sens et toute la beauté de ce qui vient de nous être raconté pendant les deux heures de la projection.

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le 13 févr. 2018

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