Ça se passe comme ça chez McDonagh (2) : Le chagrin et la piété

Remarque liminaire : le deuxième film de John Michael McDonagh fait immédiatement penser au In Bruges sorti six ans plus tôt par un certain Martin McDonagh… frère aîné du premier.

Cf. la menace contre le prêtre dans le confessionnal, la thématique de la culpabilité…

Comme dans The Guard/L’Irlandais, les dialogues, au cœur du cinéma de McDonagh (bis repetita), sont chiadés et servent ici, au-delà de l’humour, une série de questionnements sur dieu, le péché, le suicide, la culpabilité, la prêtrise…

Pourtant, comme dans son premier opus (qui commençait par un ♩ Fuckin’ Posers ! ♫), le tout début de Calvary n’annonce rien de bon :

Premiers mots du film : « La première fois que j'ai goûté du sperme, j'avais 7 ans. »

Et puis, comme lors de sa première réalisation, Mc Donagh, grâce à son script, ses acteurs convaincants (Brendan Gleeson en tête d’affiche, une fois encore) et ses plans soignés, parvient, à faire oublier sa tendance à l’outrance.

Dieu est grand. Les limites de sa miséricorde n’ont pas encore été arrêtées.

Le père James, menacé de mort, en sursis pour une semaine, dialogue ainsi avec des brebis plus ou moins perdues — celles de sa paroisse, celles de passage, celles de sa famille (Kelly Reilly, plutôt convaincante dans le rôle de la fille… du curé) — et, au fil de ses rencontres, dresse un golgotha : celui de son troupeau, le sien, celui des Hommes, le nôtre.

Certes, on sent de nouveau chez McDonagh ce besoin de faire le malin, de faire se télescoper grossièreté et bagou intelloïde — ou, mieux, de coller un maximum de ‘fuck’ dans un échange pseudo-philosophique —, mais, sur ce coup-là encore, on accroche car le fond prend le dessus sur la coquetterie vénale.

Charge de Calvary

D’aucuns reprocheront sans doute au réalisateur britannique de surfer sur la vague anticléricale (suite aux révélations des affaires de pédophilie au sein de l’Église), mais comme cet assaut laisse la place à des moments très sensibles sur notre rapport à la foi — une quasi-gageure en ces temps de despiritualité — ne l’accablons pas.

Ce Calvaire n’en est pas un, loin de là.

Et... franchement... si pour ramener les néo-humains et les zombies vers les douloureux sentiers de l’introspection, de la réflexivité et (donc) de l’altruisme réel, il faut en passer par un hameçonnage à l’exubérance... ainsi soit-il.

Arnaud-Fioutieur
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Créée

le 4 sept. 2022

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