Le dernier jour des humilié.e.s

Celui qui ouvre une porte d’école ferme une prison disait Victor Hugo. Sauf quand cette même école est déjà une prison. Forcée de quitter La Plata pour Buenos Aires afin de s’occuper de sa grand-mère malade avec sa mère et sa sœur, Camila est inscrite dans un très strict lycée catholique de la capitale. Militante féministe engagée dans la légalisation de l’avortement en Argentine, la jeune femme est contrainte de laisser toute idéologie aux portes de l’établissement pour se soumettre à la prétendue neutralité institutionnelle. Malgré les cravates, les jupes plissées et le rigorisme intellectuel et religieux qui sévit, Camila se lie d’amitié avec Lourdes et Pablo, brimés eux aussi par les traditions patriarcales et conservatrices du pays. Pour les trois adolescents cloîtrés chaque jour dans un lycée aux allures de couvent, les nuits dans la capitale argentine en pleine effervescence sont l’occasion de jouir avec fougue de leurs libertés et de leurs corps, de lutter contre un ordre établi qui refuse toute modernité et qui ferme les yeux sur les violences faites aux femmes et aux minorités. Lente et éminemment contemplative, appuyée par l’étouffante chaleur estivale, l’introduction poussiéreuse permet cependant de caractériser avec doigté l’ensemble des personnages, profondément attachants et palpables. Ceux-ci peuvent alors évoluer avec grâce et volubilité entre les décors ternes et oppressants des institutions et les espaces lumineux et animés des fêtes portègnes. Avec patience, la lutte pour le droit à une jeunesse libre se confond avec le récent combat politique pour la légalisation de l’avortement et le droit des femmes, contre le poids immense de l’Église catholique et l’héritage ambigu de la dictature en Argentine. Ouvrez des écoles, fermez des prisons mais surtout ne vous taisez jamais.