CAMILLE (2019) (15,4) (Boris Lojkine, FRA, 2019, 90min)


Boris Lojkine propose un remarquable portrait des derniers mois de la vie de Camille Lepage, une photo reporter au cœur du conflit centrafricain entre septembre 2013 et mai 2014.


Révélé avec succès au Festival de Cannes 2014 à la Semaine de la critique par le biais de son premier long métrage Hope (récompensé par le Prix SACD), sur l’immigration subsaharienne, le réalisateur français Boris Lojkine installe de nouveau sa caméra en Afrique pour narrer le destin tragique de la jeune Camille Lepage, assassinée le 12 mai 2014, lors d’une embuscade à la frontière camerounaise.
Afin de raconter le récit initiatique de cette journaliste photographe idéaliste avec le plus de véracité possible, Boris Lojkine s’est astreint à des mois d’enquêtes auprès de la famille, des proches et de collègues et de multiples déplacements en Afrique pour rencontrer des témoins de la guerre civile. Tout ce travail en amont, le tournage de plusieurs semaines sur les lieux des exactions, ainsi que l’implication des locaux dans l’équipe technique de fabrication du film confère une authenticité irréprochable à ce témoignage biographique.


Du Festival Visa pour l’image de Perpignan, au départ vers la Centrafrique jusqu’à son funeste dernier jour, le long métrage tragique se construit comme un sobre témoignage de la mission morale dont la photographe Camille Lepage se sentait investie, afin d’alerter le monde d’une guerre occultée et d’aider les populations.
Le réalisateur décline, le plus souvent caméra à l’épaule, une mise en scène énergique, au diapason de la détermination de la jeune femme constamment sur le terrain, et de la guerre fratricide qui déchire le pays entre les partisans de la Séléka (majoritairement musulman) et la milice d’autodéfense anti-balaka (majoritairement chrétienne).
Une réalisation en immersion totale pour mieux nous livrer une photographie de la violence complexe qui a embrasé tout ce pays peu médiatisé.


Boris Lojkine capte avec authenticité, en format 1.5 (correspondant au format des photos de Camille), l’âme de la photojournaliste, sans occulter ses décalages (place dans sa famille, dans son milieu professionnel composé d’hommes), ses doutes sur son métier, sa vie intime, le questionnement constant sur la bonne distance éthique à aborder face à l’horreur, le regard extérieur post colonial, la violence sauvage, la place de la femme, en mélangeant de manière alternative la fiction, les photos réelles de la photographe et les archives documentaires filmées au moment des événements.


Cet assemblage pertinent, quasi documentaire, nous confronte constamment avec la brutale réalité des faits et sur le statut des images et la manière dont nous les percevons, tout en apportant une lueur d’humanité dans les yeux de ces guerriers. Cruels mais fragiles, nous apparaissent ainsi à l’écran ces combattants, comme à travers de l’objectif de Camille Lepage, venue sur ces terres ensanglantées pour nous dévoiler un peu d’humanité au milieu du chaos.
Un hommage cru mais pudique, porté par toute la candeur, la détermination et la sensibilité de la lumineuse Nina Meurisse. Édifiant. Intelligent. Poignant.

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le 16 oct. 2019

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