Une petite abeille qui ne porte pas le nom de Maya...

L'histoire du cinéma a tendance à bégayer, comme la grande.


Le début des années quatre-vingt dix ressemble en effet comme une soeur au début des années deux mille dix. Le film d'horreur était déconsidéré, relégué au marché de la vidéo. Les rares oeuvres se frayant un chemin, comme par effraction, sur le grand écran relevaient du coup de chance.


Candyman faisait partie de ceux-là.


Ce n'était pas gagné d'avance, eu égard à la nature profondément autre des écrits de Clive Barker.


Ce n'était pas gagné d'avance car Bernard Rose était à des lieues de vouloir adapter la nouvelle The Forbidden.


Candyman a donc tout de la conjonction miraculeuse des astres et des talents.


Le film évite au maximum les conventions ayant cours , tout en ne se retenant pas en faisant couler le sang, en enchaînant les images les plus graphiques et traumatisantes. Tandis que Bernard Rose investit le récit et le transcende.


Il se focalise longtemps sur son héroïne, son enquête sur une légende urbaine, sa défiance envers cette quasi mythologie. Sur ses intuitions et ses doutes portés sur son compagnon. Et son glissement progressif et inexorable vers l'abîme. Dans des circonstances dont elle est la malheureuse victime.


Helen s'aventure ainsi dans un même élan aux confins de la folie et dans les bas fonds de la ville abritant les laissés-pour-compte, la délinquance et les tensions raciales gangrénant déjà les fondations d'une société duale. Helen s'enfonce dans des ténèbres sans retour animées de tags qui résonne comme autant d'avertissements, de bouts de mémoire criminelle d'un quartier déliquescent, en train de pourrir. Errance portée par une des partitions les plus mémorables de Philip Glass.


Helen se retrouve dans un véritable labyrinthe putride, livrée à la peur la plus primale et aux flashs d'une violence en forme de réminiscence. Un labyrinthe décalqué à la lumière du jour de sa vie en train de basculer. C'est sans doute la plus grande des réussites de ce Candyman : son atmosphère incroyablement travaillée et délétère, funèbre et d'une élégance forgée dans les ténèbres et la force d'évocation de la superstition.


Une puissance qui se démultiplie, qui perdure en invoquant l'identité du mal, en se souvenant de ses exactions, qui frappe l'imaginaire collectif en reléguant les victimes au second plan. Avec des yeux d'aujourd'hui, on pourrait presque analyser tout cela via le prisme de l'action terroriste, rajoutant une couche supplémentaire aux thématiques de ce Candyman de haute volée. Qui se pare d'un méchant tout en prestance, tout en noblesse et en tragédie, condamné à revivre la perte de son amour, porté par la voix chaude et profonde du troublant Tony Todd.


Et preuve que le film résonne aujourd'hui encore sur grand écran, que son héritage continue de vivre, certaines oeuvres comme Heartless, dans la mise en images de son décor urbain ou de la photographie pratiquée par son personnage principal, ou encore la construction du récent Invisible Man, peuvent être vues comme autant d'hommages et d'influences faisant vivre le pouvoir du mythe.


Behind_the_Mask, to bee... Or not to bee.

Behind_the_Mask
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le 22 mai 2020

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