J'ai lu quelques sottises à propos de ce film sur ce site. La palme en revient à ceux qui expliquent à Tatave que la guerre de 14-18, çà n'était pas (je cite) ''faire courir quelques soldats dans les plaines'' et que Kubrick a mieux compris la 1ère GM qu'un cinéaste français.
Ceux là, en tout cas n'ont pas tout compris qui pensent que l'Argonne, la Somme ou Verdun, c'est la même chose que le Front des Balkans. Reprocheraient-ils à ''Gallipoli'' ou aux ''Hommes contre'' de se différencier eux aussi du message convenu de Kubrick, alors qu'ils montrent d'autres facettes de cette gigantesque boucherie?
Si on pouvait arrêter un jour de tout juger à l'aune de quelques cinéastes un brin surestimés, çà ferait des vacances à tout le monde...
Moi j'aime bien le travail de Tavernier, qui a ses propres qualités (et ses propres défauts) et je lui reconnais une grande finesse d'analyse historique, politique, sociale et même psychologique de ce sujet difficile. Il ne me semble pas nécessaire de se référer au travail d'autres cinéastes pour comprendre sa démarche.
Car démarche il y a, bien sûr, et pas seulement de dénoncer l'affreuse stupidité du conflit mais aussi de le montrer à hauteur d'homme, dans le quotidien absurde et sauvage de ces soldats déracinés, qui ne savent plus pourquoi ils se battent, ni contre qui, ni même parfois où...
Et Tatave le fait sans didactisme, en humaniste, sans, contrairement à Kubrick, nous abreuver d'une morale facile et bien pensante.
Philippe Torreton sert admirablement ce travail , avec force et conviction, en réussissant à faire vivre ce personnage contradictoire et profondément humain, qui à force de perdre tout repère finira par crever à petit feu de sa fichue guerre après avoir retrouvé sa vie civile de mercier breton (admirable dernière scène où Torreton bouleverse).
Hélas, et c'est un bémol d'importance si Torreton est bon, et la plupart des seconds rôles, on ne peut en dire autant d'un bien falot Berléant et surtout d'un catastrophique Samuel le Bihan, qui joue faux et est bien peu crédible en militaire (lui aussi est meilleur dans la dernière scène). Le personnage était pourtant intéressant, tiraillé entre son idéal de justice, son amitié et sa compassion.
Mais cet écueil ne saurait nous faire oublier toutes les belles qualités de cette oeuvre forte et digne.