Behind, quand on lui parle d'invasion extra-terrestre, de l'asservissement subséquent et d'un réseau de résistance, il retombe instantanément en enfance et se souvient d'une série qui l'a particulièrement marqué.


Il s'agit bien sûr de V, avec ses lézards en latex bouffeurs de souris la tête levée et la bouche grande ouverte. Premier souvenir d'un genre autre, un poil kitsch, première réminiscence horrifique.


Inconsciemment certainement, il espérait renouer avec ces images durant la séance de Captive State.


Sauf que l'on est un peu loin du compte pour le coup.


La note est par ailleurs très représentative de son sentiment, au masqué. Car Captive State est loin d'être détestable. Parce qu'il est particulièrement couillu, pour ne pas dire suicidaire, de causer d'invasion alien sans presque un alien à l'écran.


Le film prend donc sa source dans un thème des plus classiques : le film de résistance qui dessine le chemin de l'information ou de l'ordre, le cloisonnement de chacun de ses protagonistes et la mise sur pied d'un plan à même de renverser le système. Ou du moins d'allumer la flamme d'une contestation qui ne peut que se propager en réaction à l'oppression.


Captive State joue donc à fond cette carte, dans une atmosphère étonnamment tournée vers le passé. Genre la stasi des années 50 ou le MI6 des années 60, avec tout ce que cela comporte en termes de réseau souterrain à démanteler, de surveillance à peine high-tech et de traque de l'organisation underground.


Le tout appliqué, bien sûr, à un propos extrêmement contemporain sur l'illusion démocratique en forme de totalitarisme light étatsunien. Quelle surprise...


Le parti pris est cependant à saluer. Vivement. Sauf qu'il aurait dû être poussé jusqu'au bout de sa démarche anticonformiste.


Car Rupert Wyatt, que l'on a connu en meilleure forme dans, au pif, La Planète des Singes : Les Origines, cède à l'obligation de représenter graphiquement la menace à l'écran en une ou deux occasions...


Le feeling de l'entreprise fera sans doute penser un peu à District 9. sauf que le design retenu pour les aliens à tout du foireux, en livrant des humanoïdes bardés de piques, comme les oursins pollués de la méditerranée, avec un anus en guise de bouche... Pas pratique sans doute quand il s'agit de faire caca, cette affaire, j'imagine.


Et, sans doute le plus rageant, dans ce Captive State, c'est que cette volonté de minimalisme bienvenu se trouve au service d'une intrigue mille fois vue. Pas désagréable à suivre mais tournée de manière extrêmement impersonnelle, sans passion et sans point de vue. Rien ne viendra donc réellement dynamiser le récit, sauf ce plan sur le point, ou non, de porter ses fruits. Mais hormis cette très relative montée en tension, rien d'autre ne viendra ravir le spectateur.


La faute, sans doute, à des personnages archétypes auxquels on ne s'attache jamais, qui ne sont qu'à peine présentés et avec lesquels le spectateur ne rentrera jamais réellement en résonance ou en empathie.


Au point que Rupert Wyatt semble confondre minimalisme et pingrerie, approche humble d'un sujet et totale absence de point de vue.


Et surtout, au point de suivre Captive State d'un oeil un peu distrait, sans passion, sans réelle émotion. Que ce soit d'un côté ou de l'autre de l'écran.


Un tel choix aurait pu être à saluer en tant que démarcation d'un genre porté habituellement sur l'action. Mais Captive State, faute d'un réel coeur ou encore d'une âme singulière, se contente d'illustrer un poil mollement son sujet.


La supposée ambition politique, minimale en elle-même, ne saurait remplir à elle seule un tel véhicule qui ne se montre que très vaguement contestataire. Comme si Rupert Wyatt avait raté le grand soir d'au moins quelques années.


Un comble en 2019, ne trouvez-vous pas ?


Behind_the_Mask, en pleine panne de réseau.

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le 3 avr. 2019

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