4,2 de moyenne chez mes éclaireurs.
Si on ajoute à ce premier constat le fait qu’ils sont 13 et que pas un n’a mis plus de 5, autant avouer que quand j’attaque le dernier Ridley, c’est avec appréhension et fatalisme. Après tout, ça fait quand même une sacrée paye que l’anglais n’a plus empli mes écoutilles à plaisir.


Tous les voyants à priori au rouge et la lame à découper fine-aiguisée, je suis pourtant cueilli par un nom au générique. Produit par Cormac McCarthy ? Scénario du même Cormac McCarthy ?
Vu la qualité et le niveau de la production habituelle de l’écrivain, un déclic: et si l’absence absolue d’affection dont est victime le film n’était due qu’a un gigantesque malentendu ? Et s’il ne s’agissait pas d’un polar à proprement parler mais quelque chose de tout à fait différent ?
La séance prend alors un tout autre sens: le plaisir est possible, doublé par la possibilité de voir et entendre des choses que beaucoup ont occulté.


Destinée, au milieu de la figure


Le travail de l’écrivain est d’abord sensible à travers les dialogues. Ce sont entre autre eux qui ont pu tant déplaire. Ils peuvent paraitre curieux, si on surprend un big-boss de cartel philosopher, ou surprenants quand on entend une pétasse en peau de panthère décliner sa vision du monde.
Pourtant, toute la noirceur de Cormac est là. Son humour aussi.
Ainsi, quant une cliente de l’avocat (Fasbender, donc) lui propose une pipe pour compenser sa dette de 400 $, il sourit et lui répond qu’elle sera toujours dedans de 380.


Alors bien sûr, certains partis-pris peuvent surprendre, certains angles peuvent donner le tournis.
Donner le rôle de supra-méchante à une blonde peroxydée qui ne recule devant aucun attribut ostentatoire du mauvais-goût (je ne spoile pas, on le comprend assez vite), une cagole jusqu’au bout des ongles qui mène la vie dure à un réseau de smart-asses aguerris (ou non, puisque le plongeon d’un novice dans un panier de crabe international est aussi le sujet principal du film) est déconcertant.
Pourtant assez vite, on comprend que la beach-attitude est une façade.
«Je ne pense pas que la vérité ait une température», répond-elle à son ami trafiquant, après que ce dernier lui ait demandé si elle ne trouvait pas que ce qu’elle venait de dire était un peu froid.


Car tel est Cartel, qui m’écartèle. Il n’y a pas un écart tel


Et donc, il me semble que pour pleinement apprécier ce film, il ne faut ni le considérer comme un polar, ni comme un gangsta-movie trépidant. C’est parfois un peu trop écrit, la trame manque de détails (puisqu’ils sont sans aucune importance), et le sujet n’est rien d’autre qu’une variation des thèmes chers à l’auteur: l’enchainement fatal, l’inéluctabilité, l’implacabilité, la noirceur, la mort.


Muni de ce filtre essentiel, la descente aux enfers du couple Fassbender-Cruz devient sinon captivant au moins digne de grand intérêt, et plusieurs scènes révèlent alors une saveur d’abord insoupçonnée.
Je ne parle pas, bien sûr, de celle du motard décapité, à l’iconographie éclatante, mais bien de tous ces moments où le destin signale sa présence avec un gyrophare. Le côté affable de Reiner (Bardem, qui rattrape Nicolas Cage dans son concours de coiffures improbables) ou Westray (beauf-Pitt), qui ne cessent de mettre en garde le conseiller. Un conseiller qui se pense plus malin que le milieu dans lequel il plonge par avidité, refusant d’entendre tous les avertissements qui lui sont pourtant aimablement, et avec insistance, prodigués.


Munis de ces précautions, vous pourrez peut-être goûter à la photo colorée et léchée de Dariusz Wolski, à la science des cadrage de Ridley Scott et passerez sans doute un bon moment.
Le tout se conclue sur une confirmation: Il n’y a qu’avec un écrivain qu’on évite les cris vains.

guyness

Écrit par

Critique lue 2K fois

49
20

D'autres avis sur Cartel

Cartel
Sergent_Pepper
6

Cormac à tire larigot.

Cartel est un film bien étrange, a priori raté. Mais à bien y réfléchir, il semblerait qu’on lui reproche surtout son audace. Commençons par ce qui ne fonctionne pas. L’économie générale du scénario...

le 1 août 2014

54 j'aime

13

Cartel
guyness
6

Le Cartel de mes délices

4,2 de moyenne chez mes éclaireurs. Si on ajoute à ce premier constat le fait qu’ils sont 13 et que pas un n’a mis plus de 5, autant avouer que quand j’attaque le dernier Ridley, c’est avec...

le 23 mars 2014

49 j'aime

20

Cartel
Strangeek
6

Penélope Cruz est sublime. Fin de l'histoire...

L'affiche du film est symbolique, les noms des 5 mastodontes d'Hollywood bénéficient d'une plus grosse visibilité que le propre titre du film... Choix commercial compréhensible, mais terriblement...

le 13 nov. 2013

41 j'aime

13

Du même critique

Django Unchained
guyness
8

Quentin, talent finaud

Tarantino est un cinéphile énigmatique. Considéré pour son amour du cinéma bis (ou de genre), le garçon se révèle être, au détours d'interviews dignes de ce nom, un véritable boulimique de tous les...

le 17 janv. 2013

343 j'aime

51

Les 8 Salopards
guyness
9

Classe de neige

Il n'est finalement pas étonnant que Tarantino ait demandé aux salles qui souhaitent diffuser son dernier film en avant-première des conditions que ses détracteurs pourraient considérer comme...

le 31 déc. 2015

314 j'aime

43

Interstellar
guyness
4

Tes désirs sont désordres

Christopher navigue un peu seul, loin au-dessus d’une marée basse qui, en se retirant, laisse la grise grève exposer les carcasses de vieux crabes comme Michael Bay ou les étoiles de mers mortes de...

le 12 nov. 2014

296 j'aime

141