Les cloisons du fiel
Rien n’annonce, dans l’exposition de Casque d’or, la tragédie en sommeil. Echappée dans les guinguettes de la Belle Epoque, le film s’ouvre sur la Marne et ses plaisirs tous droits sortis des...
le 12 mars 2014
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Des petites recherches que j'ai effectuées pour rédiger cette critique, il ressort quelque chose à quoi je ne m'attendais pas. C'est que le scénario du film est basé sur l'histoire vraie d'une prostituée Amélie Élie à la Belle Époque surnommée Casque d'or et que les personnages Leca et Manda ont bien existé aussi. Là s'arrête la réalité historique car le scénario brode allègrement pour aboutir à un film beaucoup plus tragique. Et d'ailleurs, c'est bien dans la manière de Jacques Becker de peaufiner l'histoire pour y bien asseoir ses personnages.
Ici Becker s'intéresse à ce milieu interlope fin XIX ou début XX à Paris où des "sociétés" de voyous tenaient le haut du pavé (enfin, le pavé de certains quartiers parisiens, bien sûr) avec un chef (presque) paternaliste qui imposait des choix vestimentaires (le chapeau, plus classe, plutôt que la casquette) mais où les femmes étaient prostituées sous la domination de macs. Et dans les guinguettes au bord de la Marne, on confondait presque ces voyous avec les vrais bourgeois … C'est dans ce cadre-là que nait l'idylle entre Marie (Simone Signoret), prostituée appartenant à la bande de Leca, et Manda (Serge Reggiani).
Le personnage de Marie est extraordinaire : la maîtresse femme à qui on ne la fait plus, qui connait si bien les hommes, à force. Elle navigue avec aisance dans ce milieu à la fois dur et fourbe. La gouaille habituelle de Simone Signoret avec sa voix un peu éraillée fait merveille e tellement authentique. Et quand elle est couchée et que sa chevelure dorée s'étale autour de sa tête, elle mérite son surnom de Casque d'or. Elle est amoureuse de Manda en qui elle reconnait une droiture et une volonté qu'il n'y a pas chez les gars de sa bande, fanfarons et veules.
Ce Manda, magistralement interprété par Serge Reggiani, n'en impose ni par la stature ni par l'élégance. Et pour cause, c'est un ancien malfrat reconverti dans la menuiserie. Un ouvrier quoi, droit et fier, qui ne cause pas beaucoup. Tout se passe dans les regards avec Marie et dans les gestes tendres de la vraie vie, de la vie de tous les jours.
Et face à ce binôme, Leca joué par Claude Dauphin, un chef de bande dont on découvre au fur et à mesure la lâcheté puis la fourberie malgré son entregent et son affabilité
Spoiler : puisqu'il est un indicateur de la police
Le tragique sera à son comble dans la dernière scène où Marie accompagne mentalement Manda dans la mort avec en arrière-plan, la mélodie lancinante du "temps des cerises" sur une valse effrénée dans la guinguette du début du film.
C'est un film magnifique. D'autant plus magnifique qu'une certaine Eunice Kathleen Waymon, impressionnée par le personnage féminin de Casque d'or, choisira "Simone" comme pseudo pour devenir Nina Simone. Si ça, ce n'est pas une preuve, alors !
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Créée
le 13 juin 2025
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