Nord et Sud
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Avec Ce n'est qu'un au revoir, voilà encore Guillaume Brac, si simple - humble et pourtant si ample, qui vient nous percer le cœur. Il y a le Pas-de-Calais au nord et la Drôme du sud. Il y a des milieux, plus ou moins favorisés. Des styles, plus ou moins marginalisés. Il y a des terminales tenues à l'insouciance, et des secondes qui pensent déjà à l'avenir. Il y a des danses réelles, et d’autres virtuelles. Il y a une première politisation, entre une mobilisation à Sainte-Soline et un costume de directeur dont l'on se demande s'il n'est pas trop étroit l'été. Il y a un peu d'amour, du temps qui passe et une certaine peur de l'avenir. Il y a surtout des tentatives à se faire une place dans le monde, et bien sûr grandir. Soyons franc : ils semblent aujourd'hui se compter sur les doigts d'une main, ces cinéastes aussi bienveillants avec leurs personnages. C'est vrai, Brac filme comme on prend des nouvelles : sans brusquer, sans trop appuyer. Mais de ces cinéastes d'affection, ils sont encore plus rares à aussi bien filmer la jeunesse française.
On pourrait d'ailleurs dresser un pont entre Ce n'est qu'un au revoir et un second film français essentiel de 2024 : À son image de Thierry de Peretti. Deux films qui, chacun à leur façon, se permettent de regarder dans le viseur un monde en lutte, non pas pour en sortir vainqueur, mais pour tenter de le comprendre – le cadrer. Il ne s’agit pas seulement de filmer « la lutte » — mot déjà épuisé par trop de slogans — mais de s’attarder sur ce que le mot contient d’ambigu : un entrelacs d’idées et de terrain, d’idéalisme et de chair blessée. Comme si toute lutte était un montage – le produit de deux expériences : celle de l’idée (qui élève), et celle du terrain (qui écrase) (Psychologie des foules, Le Bon, 1895). Le film de Guillaume Brac suit ses jeunes adolescents être menés vers le conflit à Sainte-Soline : il y a le discours, le souffle, la pensée altermondialiste et les mégas bassines comme figure d’un désastre. Et puis il y a le sol – la terre labourée par les bottes et les charges policières, les grenades de désencerclement qui brouille le paysage et les corps qui tombent. La voix-off d’une des jeunes étudiantes suivies par Brac se chargera de nous le raconter, sans se lamenter, mais en tentant de digérer les choses. Chez de Peretti, bien que dans un autre lieu et une autre époque, il s’agit du même chemin : la pensée indépendantiste/politique pour repenser le territoire corse, et la mort qui gangrène l’ile et sa jeunesse comme autant de balles qui pleuvent au cours de ces sombres années 90. Quel que soit l’objet, ce travail de perspective est captivant car il fait frictionner les idées et le monde dans ce qu’il a de plus matériel.
Créée
le 14 avr. 2025
Modifiée
le 2 juil. 2025
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