Dans la droite lignée de ses précédentes œuvres quasi-testamentaires sur la vieillesse et la passation, toujours guidées dans la recherche d'un nouvel havre de paix (Million Dollar Baby, Gran Torino ou La Mule), Cry Macho est victime pourtant je trouve d'un affaiblissement de ses recoins. Faisons un peu de cartographie de récit et mettons de coté les contours du nouveau film du maitre américain (introduction et conclusion si l'on veut, pris dans une mauvaise écriture, entre niaiserie et expédition, ainsi qu'une faiblesse notable dans la direction des comédiens), et concentrons-nous ainsi sur le cœur même du film. Cette grande partie située en plein milieu, comme l'est finalement ce petit village mexicain au cœur du désert. Îlot magnifique, réaffirmant la beauté remplie de sagesse du cinéma d'Eastwood.
C'est cette partie qui concentre tout : les scènes les plus fortes et évocatrices, jusqu'aux gestes les plus retranchés et les plus intimes. La scène de l'église évidement, où chacun se souviendra de ce chapeau cachant un vieux visage sur lequel glisse une larme presque cachée par l'obscurité. Mais cette scène tient aussi quelque chose qui semble subitement contrer la mélancolie : « Nous sommes tous les enfants de quelqu'un » lance Mike (Eastwood) au jeune Rafael (Eduardo Minett) en train de douter que Dieu soit notre père à tous. Cette petite phrase glissée dans la nuit trouve son point de fuite en dehors des portes de ce petit sanctuaire, vers le fameux et paisible village mexicain. Ces pères - anges protecteurs - sont là, dressés et vaillants : c'est Marta dont les attentions et le regard ne laisseront pas Mike insensible; c'est le chef de village qui, méfiant de prime abord, gardera pourtant le secret de la présence des deux comparses face à l'irruption de la violence corrompue; c'est ce rapport aux animaux bien-sûr, petits ou grands, que l'on dresse autant que l'on chérie et protège; et c'est Mike évidement, gardant Rafael sous son aile jusqu'à la frontière menant au Texas. Ces figures gravitent autour de nos têtes, couvrant l'amour et ne se défilant jamais.
L'havre de paix est bien là, et il nous touche. Si la violence du monde refait parfois surface, la sagesse continue pourtant d'envahir les ranchs où on réhabilite les chevaux blessés, le restaurant de Marta comme un coffre retenant la délicatesse et l'affection, et l'horizon qui prend place au loin dans les quatre coins de l'espace. Cet horizon, c'est aussi celui avec lequel Eastwood se morfond : cette très belle scène où Mike, dormant à la belle étoile, s'abaisse face au soleil couchant, ne faisant ainsi plus qu'un avec le lointain. Cet horizon mexicain est peut-être ce repos sacré que cherchait tant Mike - Eastwood - continuellement appelé par la fatigue, dont bien-sûr les rêves viendront ensuite éclairer l'obscurité. Le Mexique serait alors un lieu aux nouveaux espoirs ! On connait la certaine méfiance d'Eastwood face aux quelques sombres recoins nord-américains (le bien trop sous-estimé Richard Jewell sorti l'année dernière). Clint Eastwood construit peut-être sa propre porte du paradis en ce lieu, avant que la violente et corrompue réalité (et bancalité du film d'ailleurs) ne réapparaisse subitement, comme pour sonner les cloches annonçant la fin du conte. Le souvenir que l'on garde de ce lieu n'appelle qu'à une chose : revenir le plus vite possible dans les bras des anges.