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Cemetery of Splendour par Clément en Marinière

En pleine Thaïlande rurale, une large pelleteuse agite son bras articulé, monstrueux comme les ravisseuses d'une mante religieuse, à la recherche d'un trésor quelconque, dissimulé dans le terrain meuble d'une école élémentaire. A mesure que la terre se retourne, le paysage se transforme, et rien n'est exactement ce qu'il semble être : l'école elle-même n'en est plus tout à fait une, transformée à la hâte en hôpital pour contenir l'envahissante épidémie tropicale qui touche cette région reculée du monde. C'est ici, sur les abords du Mékong, que les soldats mystérieusement tombés de sommeil au combat viennent rêver, soignés de leurs incessants cauchemars par une envoûtante luminothérapie arc-en-ciel et par la patience affectueuse de leurs proches.


Avec un argument pareil, Cemetery of Splendour, nouvelle prière du thaïlandais Apitchapong Weerasetakhul, ne manque pas d'étonner au cœur d'une saison audiovisuelle décidément très académique. Il serait cependant malhonnête de qualifier cette rêverie insaisissable d'inédite, en ce que les titres des opus précédents d'Apitchapong Weerasetakhul, de Tropical Malady à Syndromes and a Century, suffisent à tisser des liens visibles entre présent et passé. Cemetery of Splendour s'aborde donc comme une toile de maître, de celles dont on sait, d'expérience ou par écho, comment les regarder et même quoi en penser, et dont l'appropriation relève autant de l'exploration candide que de la lutte contre les préjugés critiques. "Lutte de l'homme contre la nature", "lutte de l'homme contre l'homme", "brûlot politique", "errance mystique" : les qualificatifs attribués à Cemetery of Splendour sont nombreux, mais éclairent rarement le spectateur, pris à la gorge par tant de sophistication théorique.


Parce que loin des détours éthérés que beaucoup voudraient lui prêter, Cemetery of Splendour est bien plus souvent sec et trivial que chaleureux : ses longs plans fixes ont beau atteindre, à certaines occasions, une densité telle qu'ils semblent entrer en mouvement, ils n'en restent pas moins d'un ascétisme qui submerge et glace, par instant, le plaisir pur de la découverte. Une poignée d'images s'y perdent, plus particulièrement quand Apitchapong Weerasetakhul se laisse aller à cet érotisme de festival qui frôle le sordide sous couvert de grande méditation sur la condition humaine. A l'inverse, ce sont finalement les dispositifs les plus simples qui touchent au cœur, à l'image de cette scène magnifique où, à force d'être oint et caressé, un soldat inconnu sort de son profond sommeil, et semble, l'espace d'un instant, presque guéri. Cemetery of Splendour est donc bien le récit mythologique d'une caresse langoureuse avant d'être celui, plus fastidieux, de rêves enchâssés et de fièvres contagieuses, même si sur ce terrain précis, Apitchapong Weerasetakhul trouve tout de même à convaincre avec une image finale glaçante d'incarnation. Et de rhabiller le Christopher Nolan d'Inception pour l'hiver en passant.


Par contre, quid de l'homme qui fait caca ? Ma spiritualité légendaire y a trouvé sa limite.

ClémentRL
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le 28 sept. 2015

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