Ceux de chez nous était au départ un court-métrage documentaire de Sacha Guitry réalisé en 1915 en opposition à l'exaltation culturelle des Allemands durant la guerre. Il avait pu filmer des gens comme Auguste Renoir, Rodin, Sarah Bernahrdt, Camille Saint-Saëns, et bien d'autres, par ailleurs disparus quelques années plus tard. En 1939 puis 1951, Guitry va travailler à de nouveaux montages, la dernière version existante le montrant lire un texte depuis son bureau pour rendre hommage à toutes ces personnes, et bien souvent c'est le seul moyen de les voir en mouvement, aux débuts du cinématographe. Du coup, la version muette de 22 minutes devient sonore et parlée dans celle de 1951.


Même si Guitry s'autorise encore quelques mots d'auteur, il en résulte une certaine émotion à entendre et voir ces portraits, qui sont des fragments d'un passé révolu, où le cinématographe remplaçait la photo. D'ailleurs, changement d'époque, il y a une anecdote assez amusante sur Rodin qui, ne sachant pas ce qu'était une caméra, prenait la pose parce qu'il pensait être photographié ! C'est l'occasion de voir par moments le jeune Sacha Guitry, alors âgé de trente ans, qu'on voit discuter avec ces personnalités, avec des anecdotes parfois amusantes, parfois touchantes, parfois méchantes... Il raconte notamment une rencontre de Sarah Bernahrdt avec une femme qui lui annonce avoir perdu son mari, son fils et son grand-père ; demandant un quelconque réconfort, Bernahrdt n'a d'autre conseil à dire à cette femme de se suicider elle aussi !


C'est quelque part précieux de voir ces petits portraits, et je retiens entres autres celui d'Auguste Renoir, dont on voit les doigts déformés par les rhumatismes, accompagné de son fils Claude (et non Jean). Et surtout, dans les dernières secondes, Guitry, qui avait près de 70 ans au moment de la 3eme version du film, a tenu à inclure son père, Lucien, grand artiste de théatre de son temps, et qui sera décédé dix ans après la version d'origine, soit en 1925. Là, on sent Sacha devenir à nouveau un petit garçon et cesser tout mot pour laisser ces quelques secondes parler à sa place, ce père qu'il admirait, et le film s'interrompt tout de suite après.


Je ne sais pas quel fut l'impact de ce court-métrage à sa sortie, mais le recul du temps, voilà un touchant panaché de portraits, avec pour certains les seules images filmée, et avec les bons mots de Guitry.

Boubakar
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le 25 nov. 2020

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Boubakar

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