Forme un diptyque avec Bandit contre Samouraïs sorti l’année précédente, lui aussi tiré d’un roman de Shôtarô Ikenami, auteur assez prolifique de récits de samouraïs souvent sombres et désenchantés. La formule est la même et se concentre sur une caste de anti-héros cyniques qui cassent les codes du bushidô : bandits, assassins et samouraïs corrompus, en reprenant un scénario qui fait la part belle au double-jeu, aux trahisons et s’emploie à effacer les lignes de conduite morale, avec cependant une dimension psychologique plus marquée ici que dans Bandit [...].
Tatsuya Nakadai tient toujours le rôle principal, même s'il n'est plus le chef d'un groupe de voleurs il officie à la tête d'une caste d'assassins impliquée dans des manipulations touchant les plus hautes autorités de l'époque, dévoilant un shogunat corrompu de l'intérieur. Les relations entre les différents protagonistes sont complexes et sujettes à rebondissements, d'autant que les personnages sont nombreux. Par rapport à son prédécesseur, les femmes (fatales) semblent également occuper une place plus importante. Le film est aussi amputé d'une vingtaine de minutes, ce qui est positif tant le volet précédent souffrait de certaines longueurs, sans dénaturer pour autant la richesse des intrigues. Les scènes de combat sont assez rares mais à chaque fois comblent le spectateur d'explosions de violence laissant pas mal de sang sur le papier des parois.
L'autre personnage central, le rônin amnésique et balafré (Yoshio Harada, parfait dans le rôle de bête mutique), dont l'identité tarde à apparaître (le film est d'ailleurs plus intéressant dans les deux premiers tiers tant que réside ce mystère autour de son passé) symbolise à lui seul le samouraï vidé de son être et utilisé pour la seule capacité de sa lame à tuer efficacement. Le reste du casting est impeccable, avec notamment Sonny Chiba et un certain nombre de seconds rôles féminins intéressants, une tendance qui se confirmera chez Gosha avec ses films suivants comme Onimasa et surtout La Geisha.
Toujours aussi propre dans la réalisation, mettant en scène des chorégraphies très soignées, Gosha signe un beau come-back dans un registre où il incarne désormais le dernier représentant avec Fuksasaku qui se lance tardivement dans le chanbara à la même période. Tout comme le western avait soigné son crépuscule par un feu d'artifices de chefs d'œuvre grâce à Sergio Leone ou Sam Peckinpah, Hideo Gosha offre une très belle sortie au chanbara révisionniste avec son diptyque. A noter une anecdote cocasse, Ikenami l’auteur original n’avait pas été satisfait du scénario de Shôichirô Ikemiya sur le premier film et avait demandé à la Shochiku de remplacer le scénariste. Ikemiya a alors signé le scénario sous le pseudonyme Naoto Kitazawa et la ruse a fait son effet, à tel point qu'Ikemiya signera plus tard d'autres adaptations au ciné pour le romancier.