Vider autant la substance politique de l'œuvre qu'on adapte est une erreur quand même sacrément problématique, dans laquelle Cédric Jimenez (sans trop de surprise) tombe allégrement.
Alors certes, c'est plastiquement propre, nerveux quand il faut, découpé et monté de manière toujours efficace. Mais là encore, il était bien plus inspiré plastiquement sur un film comme Bac Nord.
Au-delà de ça, que raconte l'esthétique et les obsessions de Jimenez au fil de son œuvre ? Une manière quasi systématique de dépolitiser les enjeux et de faire fi du système au profit de l'individu. Ici, encore, c'est d'autant plus marquant dans l'adaptation d'un livre volontairement anticapitaliste, inscrivant son récit dans une logique de raconter la lutte des classes, de la crise écologique et sociale.
Il est d'autant plus frustrant qu’avec un tel terreau, un tel potentiel narratif, un tel potentiel d’exploitation d’univers, Cédric Jimenez ne se contente de produire qu’une vulgaire œuvre de SF référencée & oubliable, ne prenant jamais le temps de présenter, expliquer et développer son univers dystopique (la base dans la SF non ?). Tout est survolé, sous-explicité, pour se concentrer uniquement sur les enjeux narratifs les moins intéressants (l’enquête policière, l’histoire d’amour : pas loin d’être ridicule). Les acteurs n’ont pas grand-chose à jouer que des concepts grossiers, sans aucune profondeur, aucune épaisseur (quid des transfuges de classe, de l’appartenance à un groupe. Le passé des protagonistes, ce qui les anime, ce qui les constitue en tant que personne, le film ne s’en souciera jamais. Là aussi, Jimenez échoue à donner un attachement émotionnel aux enjeux qui traversent les personnages. Difficile de s’identifier à des coquilles vides.
On ne saura jamais ce qui régit les divisions en zone : ni explication narrative, ni visuelle. Rien n’est matérialisé pour rendre compte de cette dystopie. Le paquet est mis sur les gadgets futuristes, les drones, les gunfights, les apparats : tout ceci traduit et trahit une fascination pour l’imagerie fasciste, sans jamais la remettre en question, sans jamais l’interroger. Ça fera des belles images et puis c’est tout. Pour un film qui se voulait le plus ambitieux de la carrière du cinéaste (40 millions de budget au passage), c’est bien maigre. Chien de garde.