Cédric Jimenez délaisse les polars classiques pour explorer une dystopie âpre et terriblement crédible. Chien 51 imagine un Paris fracturé, où les classes sociales ne coexistent plus : elles s’ignorent, se méprisent ou se surveillent. Les riches vivent dans une zone protégée, aseptisée, pendant que les quartiers pauvres se débattent dans la violence, la précarité et la résignation.
Au milieu, un policier brisé et une enquêtrice venue de l’extérieur sont contraints de travailler ensemble sur une affaire brutale. Mais au fond, l’enquête n’est qu’un prétexte pour questionner ce qu’il reste d’humanité dans un monde qui l’a abandonnée.La mise en scène est froide, tendue, minimaliste. Jimenez filme Paris comme une ville étrangère, presque post-apocalyptique : architecture grise, ruines urbaines, écrans de surveillance omniprésents. La photographie, métallique et désaturée, renforce cette impression d’un futur proche, possible, donc inquiétant.
La caméra ne surjoue jamais : beaucoup de plans fixes, de silences lourds, de regards qui en disent plus que les dialogues.
Pas d’effets inutiles, juste une tension constante, retenue.Les personnages sont fatigués, usés par le système, loin des archétypes de héros. Leur relation fonctionne sur la nuance : méfiance, respect forcé, bribes d’humanité qui résistent.
Pas de grands discours, pas de morale prononcée juste des choix difficiles, des compromis, des failles. C’est ce réalisme émotionnel qui rend le film aussi percutant.Le scénario aborde les thèmes de la surveillance, de la hiérarchie sociale et de la perte de libre arbitre sans jamais être démonstratif.
Il pose des questions plutôt qu’il n’assène des réponses :
A partir de quand devient-on complice ?
Peut-on encore rester humain dans un système qui écrase tout ?
Et que vaut la justice dans un monde où tout s’achète ?
Pourquoi pas 10/10 ? Quelques longueurs dans la partie centrale et certains dialogues un peu trop écrits. Et on aurait aimé voir davantage la zone des puissants, moins montrée que celle des oubliés. Mais ça reste du détail face à la cohérence d’ensemble.
En bref : un film sombre, intelligent, maîtrisé, qui frappe par sa froideur et son humanité. Chien 51 ne cherche pas à rassurer mais à réveiller et c’est réussi.