Raphaël Quenard est sans nul doute l'un de mes acteurs préférés du moment et c'est avec des films comme Chien de la casse que je m'en rends compte tant j'aurais facilement pu passer à côté du long-métrage de Jean-Baptiste Durand s'il n'avait pas été là.
Mais plus que Quenard, qui interprète ici Miralès, quelqu'un de cultivé, beau parleur, mais mal dans sa peau et hautain, j'ai aussi beaucoup apprécié son binôme, Anthony Bajon, qui a pourtant été à l'affiche de pas mal de films auxquels j'ai réussi à passer à côté ces dernières années (La Prière de Kahn, Teddy des frères Boukerma…). Ce dernier, interprète de Dog, est aux antipodes de Miralès : peu cultivé et éduqué, mais aussi silencieux, il est le souffre-douleur de son « ami », son deuxième chien en quelque sorte (au cas où le prénom ne serait pas assez explicite). Un duo qui fonctionne parfaitement, alors que le film a été écrit sans de noms d'acteurs en tête. Ce couple fonctionne d'autant plus que Dog a conscience du mal-être de son ami, d'où le fait qu'il accepte d'en prendre plein la gueule tout du long, sans pour autant ne pas oublier de lui répondre, de faire mouche lors de quelques rares moments.
Apprend à aimer tes potes avant de parler d'amour.
Il y a un réel besoin d'amour chez Miralès, ce que l'on voit dans toutes les scènes avec sa mère : la culture est présente, pas l'amour. Dans le dossier de presse, Jean-Baptiste Durand assimile Dog à un loup oméga, et c'est exactement le cas : l'un est le meneur et prend les décisions, l'autre le suiveur et souffre-douleur. L'un parle beaucoup, mais brasse du vent, là où on comprend l'autre sans qu'il dise grand-chose : les deux ont tout autant besoin de l'autre. Le film ne fait pas l'erreur de tomber dans le piège du manichéisme, et pourtant, on croit en ces personnages.
Chien de la casse est sans nul doute l'un des meilleurs films sur l'amitié masculine parmi les rares que j'ai pu voir. Il y a cette amitié « par défaut », on la sent née avant tout du vide, du fait que Miralès et Dog sont les deux seules personnes de leur âge à ne pas avoir changé d'espace, fait autre chose de leur vie, mais il y a véritablement quelque chose derrière. On notera l'ironie derrière la stagnation de Miralès alors qu'il cite du Montaigne à tout bout de champ. Une ironie d'autant plus marquée que sa relation avec Dog s'éloigne de celle que Montaigne eut avec La Boétie.
En outre, la perception du duo évoluera dans la tête du spectateur tout du long : j'ai très sincèrement cru que Miralès était le grand frère de Dog lors des premières minutes du film tant leur relation semblait s'en rapprocher. Mais forcément, c'est l'arrivée d'Elsa (Galatea Bellugi) qui va tout chambouler, cette dernière apportant avec une elle une sorte de triangle amoureux revisité. Revisité dans le sens où ce sera bien Dog la personne convoitée par les deux autres. Le long n'indique pas si Miralès est gay ou non, mais laisse néanmoins planer quelques sous-entendus, sans trop inutilement appuyer dessus néanmoins. La relation conflictuelle entre ce dernier et Elsa est d'autant plus ironique que les deux se révèlent très cultivés, comme si c'étaient ces deux-là qui devaient être en couple finalement. À ce sujet, la scène du restaurant est à se suicider de malaise.
Chien de la casse a été tourné au Pouget, dans l'Hérault, durant l'Automne. Dans un village non loin de celui dans lequel le réalisateur a grandi. Pour le coup, autant le fait de tourner dans ce département durant une saison froide était nécessaire afin de marquer le vide, de nombreuses scènes étant shootées de nuit de surcroit, autant le côté banlieusard déphasé m'aurait encore plus touché si le film avait été tourné dans la diagonale du vide ou en banlieue. Disons qu'autant je n'irais probablement jamais visiter Le Pouget après septembre, autant si je vivais là-bas, je me réconforterais en me disant que je ne vis pas dans la pire région de France non plus. Je comprends ce qu'a voulu faire l'auteur, filmer les alentours de là où il a vécu, faire en sorte que les personnages du film accaparent les lieux, notamment en allant toujours traîner dans les mêmes zones, filmer cette vie sur rails quoi, mais assurément que ç'aurait eu plus d'impact si filmé dans une autre région.
Autre défaut, malgré une écriture soignée, le long n'est pas le plus original du lot, et la fin, avec *attention spoiler* Malabar qui meurt, ne m'a aucunement surpris.
Bref, une bonne surprise dans l'ensemble, à compléter, pourquoi pas, avec Vrai Gars, court-métrage du réalisateur tourné quelque temps avant Chien de la casse et qui a pour un rôle-titre un personnage secondaire du premier long-métrage qui a suivi… et quel long-métrage !