Philippe de Broca est un habitué du film costumé. Il avait su montrer tout son talent dans le cape et d'épée avec Cartouche, en 1962.
Si Chouans ! conserve cet esprit bondissant, joyeux et très théâtral, le film se démarque par une violence qui m'a beaucoup marqué. On cloue un soldat républicain sur la porte d'une église, on pille, on guillotine, on colle une balle dans le front, on massacre : le sang jaillit à l'écran, chose non-habituelle dans le cinéma de Broca. Mais cette violence n'est pas gratuite puisqu'elle épouse l'esprit de la Révolution et de la Chouannerie à la fois.
Le cinéma français a toujours joué sur deux tableaux par rapport à la Révolution : certains cinéastes la glorifiant (on pense à Abel Gance ou Jean Renoir), d'autres la critiquant (Andrzej Wajda en a fait un film d'horreur) ou même s'en moquant comme Jean-Marie Poiré dans le troisième volet des Visiteurs. Broca reste sur la ligne de crête, montrant des fanatiques quel que soit le bord, chouans ou républicains. Les deux camps, arc-boutés, finissent par choisir la violence au détriment du peuple, de la paix civile. Le personnage de Philippe Noiret, artiste dans l'âme, toujours à trouver les bons mots, joue l'arbitre, conservant son titre de noblesse tout en embrassant les idéaux révolutionnaires. Une espèce de mélange permettant au spectateur de l'apprécier, alors que les jeunes idéalistes choisissent un camp, soit par conviction, soit par amour.
Ainsi, c'est un mélange des genres que nous propose le réalisateur. On passe de la comédie au tragique, amusé par des dialogues bien sentis des personnages, et horrifié par la violence des uns et des autres.
Pour ce qui est de la reconstitution, les décors et les costumes, sans trop en faire, donnent de la couleur, de la vivacité, loin des productions marronâtres et sales auxquelles on nous malheureusement habitué aujourd'hui. Le tout dans les paysages naturels de la Bretagne, de ses bocages à ses falaises. A la composition musicale, Georges Delerue confirme sa maîtrise du film historique, signant une fois de plus une bande originale classique, certes, mais aux thèmes mémorables, qu'on réécoute volontiers chez soi en repensant aux plus beaux plans du film.
C'est donc une réussite en tout point, un bon spectacle populaire, très éloigné du roman de Balzac (et c'est tant mieux). L'adaptation libre permet au cinéaste de déployer sa mise en scène au service de son inventivité, de personnages aussi savoureux que terribles. Plus que la Révolution, c'est l'amour qui déchire les jeunes héros.
Il existe une version longue que je verrai certainement, plus aboutie paraît-il.