Déjà vu

C'est presque "facile" de faire un bon film avec un sujet comme celui de l'affaire Dutroux, tant l'histoire prend aux tripes. Enlèvements d'enfants, viols, réseau pédocriminel : quoi de mieux pour Fabrice Du Welz ! Il peut ainsi montrer tout son talent pour mettre en scène le glauque, le mal absolu, lorgnant vers l'horreur avec quelques scènes bien dégueulasses.

Et au début du film, j'étais déjà conquis : le grain de la pellicule dans le style des années 90, le format qui donne l'impression de regarder une vieille TV... Pas forcément original, L'affaire SK1 ou Sympathie pour le diable l'ont déjà fait (et en mieux). C'est même presque devenu une mode, plein d'autres exemples récents vous viennent sûrement à l'esprit.

Certains plans sont magnifiques, visuellement c'est très réussi. Anthony Bajon campe bien le petit flic de province qui veut bien faire, même si ses regards noirs sont parfois un peu exagérés. J'aime l'idée de nous plonger un peu dans une communauté italienne en Belgique. Leurs membres sont comme une sorte de boussole pour le spectateur, puisqu'ils réagissent comme nous face aux informations sur les enlèvements de fillettes.

Et que dire de l'officier Hinkel, joué par le talentueux Laurent Lucas ? L'une des meilleurs idées du film. Rien que visuellement, le gendarme avec un cache-œil et la moitié du visage cicatrisée, ça vous pose le personnage. Surtout que ce visage raconte quelque chose, une agression jadis qui explique certains comportements actuels.

Tout cela est bien beau mais j'ai eu cette désagréable sensation de déjà vu tout au long du film. L'enquête qui n'avance pas, la hiérarchie qui met des bâtons dans les roues, les services de police qui ne s'entraident pas entre eux... Mais le pire reste la relation entre le personnage principal et sa femme ! Et vas-y que je te balance le flic trop intègre et qui veut trop bien faire, obnubilé par l'affaire, à tel point qu'il en devient parano, colle des articles avec des fils rouges aux murs, et en vient à abandonner sa vie de famille !! Sérieusement Du Welz ?? En 2025, on est encore dans des clichés vus 10 000 fois dans bien d'autres films policiers plus intéressants ?

En voyant ce scénario, on se demande bien pourquoi le réalisateur a tenu à parler de l'affaire Dutroux. Voilà une enquête passionnante, des bizarreries dans le dossier, une histoire de réseau, des violences inimaginables sur des enfants. Tout est là pour faire quelque chose de fou, de percutant : s'en tenir aux faits aurait permis de faire un film à rebours des autres polars.

C'était sans compter la bêtise du Monsieur, qui nous présente un Dutroux bis sale, raciste (affiches de SS et drapeau du parti Rexiste dans le salon), entouré de limités mentaux, tellement que ça se voit sur leurs gueules qu'ils sont pédos et violents. Et voilà exactement le problème du film : il contribue à donner une image du pédophile comme une espèce de bouseux terré au fin fond de sa campagne avec sa bande de consanguins. Quiconque s'est déjà intéressé aux affaires de pédocriminalités sait pertinemment que les pédophiles sont des "Monsieur tout le monde", souvent tout à fait intégrés dans la société. Et c'est là que le propos du film aurait pu être intéressant : quoi de plus horrible de constater que votre voisin ou votre frère pourrait être un pédophile ?

Sur le réseau pédocriminel, même problème : on ne soupçonne qu'un petit chef d'entreprise (qui a clairement un comportement bizarre) et peut-être quelques personnes haut placées. Le tout avec des tueurs qui s'apparentent à des mecs d'extrême droite vu le tatouage mis en avant. Quelle facilité, quelle lâcheté, quelle déception !

Si les 2h30 du film passent vite, si certaines scènes sont marquantes, si les acteurs sont bons, Le dossier Maldoror rate son coup minablement.