Cinq ans avant de pondre son chef-d'oeuvre L'Homme à la Caméra, Vertov a déjà les glandes. Pour lui, ce qui sort continuellement de l'usine à gaz hollywoodienne c'est rien que du caca. La fiction c'est l'opium du peuple, qu'il dit. Lui ce qu'il veut, c'est du vrai, du pas chiqué, un truc d'homme, bordel !


Tout vénère, Dziga s'en va donc par champs et par vaux inventer le ciné-réalité. Avec pour première arme sa caméra, son Kino-Eye, l'ancêtre de l'oeil du Big Brother. Et avec pour deuxième (mais pas secondaire) arme, sa table de montage. Fuyant le naturalisme, il mâche le réel pour en recracher une nouvelle forme d'expression cinématographique, faisant raconter à la vie sa propre histoire et créant de nouvelles façons de regarder la réalité en la déformant, en l'altérant même.


Le magicien chinois présenté au début de la deuxième partie, c'est un peu Dziga qui se regarde dans le miroir. Vertov a trop bien compris le pouvoir du cinématographe. Par la grâce du montage en rewind, il redonne vie à un taureau qui, quelques secondes plus tôt, avait ses rognons exposés au plus offrant sur les étals du marché. Le cinéma n'a pas besoin d'artifices, il possède par essence le pouvoir de créer, de donner la vie, d'immortaliser. L'illusion devient réalité.


La tête pleine d'idées et de fougue, Vertov filme tout et presque n'importe quoi (2 km de rushes si j'ai bien compris). Ou presque, puisqu'en filigrane Ciné Oeil est d'abord un film de propagande montrant en détail comment les jeunesses léninistes font vivre les valeurs du labeur, de la dévotion et de la générosité. Ca n'empêche pas de divaguer puisque Vertov filme aussi des plongeurs, un éléphant, des fous, et invente la dashcam russe, tout ça avec une énergie de tous les instants. Mais cet aspect fourre-tout, d'abord stimulant, rend par la suite Ciné Oeil plus lénifiant que léninifiant. Au moins, les jalons sont posés.

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le 19 mars 2016

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