Une version longue indispensable pour ce retour aux sources de Toto

Je devais le voir depuis des années. C'est enfin fait et c'est une excellente découverte, surtout en version Director's cut. En effet, la première version du film avait été amputée de presque une heure pour la distribution internationale sous la pression de Miramax/Weinstein (le prix d'un oscar ?).


Le film démarre à Rome à la fin des années 80, où un homme semblant installé socialement apprend la mort d'un vieil être cher, Alfredo, qu'il n'a pas revu depuis 30 ans. Bien que vivant avec une belle femme, il semble déjà seul mentalement. Jacques Perrin fait d'ailleurs parfaitement ressentir cette tristesse profonde de Toto malgré sa réussite sociale. Ce point de départ génère un flash-back sur son enfance et son adolescence en Sicile.


Toto est alors un petit garçon dont le père n'est toujours pas revenu de la guerre (il n'en a d'ailleurs pas de souvenir) Sa mère est seule pour l'élever, lui et sa sœur, et la malheureuse semble naturellement dépassée par la situation, entre espoir d'un retour de son époux et un Toto turbulent en mal d'autorité.


Le garçon va trouver dans Alfredo un projectionniste un peu bourru (superbement incarné par Philippe Noiret), un père de substitution et une passion commune pour le cinéma va le rapprocher cet homme ; lequel va tout de suite déceler l'intelligence et la créativité de Toto et le former à son métier.


Vient ensuite l'adolescence et le premier - pour ne pas dire le dernier - grand amour de Toto pour Elena.


C'est un film à plusieurs facettes. On peut y voir une déclaration d'amour pour le cinéma, un refuge pour Toto pour échapper à son quotidien, qui va lui permettre de grandir et s'affirmer (notamment professionnellement). C'est également un film empreint d'une grande nostalgie sur ce qui a été ou aurait pu être. C'est d'une grande profondeur et vraiment remarquable quand on pense que Giuseppe Tornatore, réalisateur et coscénariste avec Vanna Paoli, n'était âgé que d'à peine plus de trente ans à l'époque. En effet, on dénote ici un grand recul sur la vie, le temps qui passe et les choix irrémédiables. Sa mise en scène parvient à garder le rythme et l’intérêt du spectateur malgré la longueur, avec les différents enjeux qui viennent se greffer à la vie de Toto au fur et à mesure de l'avancée du film.


Le film est accompagné d'une magnifique Bande Originale signée Ennio Morricone et son fils Andrea. Elle épouse parfaitement le film et ses différentes thématiques et en renforce l'émotion et le romantisme. On fera remarquer que le compositeur a enchaîné les chefs-d’œuvre à cette période, comme Mission (1986), Les Incorruptibles (1987) et la BO du présent film (1988), ce qui est quand même prodigieux.


En ce qui concerne la version Director's cut, j'ai été surpris de voir qu'elle a permis à Tornatore de rajouter les retrouvailles avec Elena après les recherches de Toto. Ces scènes qui ont été coupées à l'époque me paraissent pourtant incontournables pour comprendre le parcours et la solitude de Toto plus âgé. Il a finalement donné sa vie à sa passion et son art ; et c'est un destin que Alfredo a voulu pour lui. Cela apporte une dimension supplémentaire à tout ce qui a précédé, où la mélancolie de Toto a pu favoriser en lui l'artiste. Un amour adolescent peut marquer une vie, et c'est précisément cela qu'a minimisé Alfredo, même s'il ne voulait agir que pour le bien de son protégé. Le choix de Brigitte Fossey - qui n'était pas une actrice anonyme - pour Elena plus âgée prouve bien l'importance que le cinéaste voulait conférer à ces retrouvailles. Son regard triste quand Toto lui dit qu'il n'a pas d'enfant et n'est pas marié, vaut mille répliques. Elle comprend alors qu'il n'a jamais réussi à tourner la page.


Un superbe film d'une grande lucidité sur la vie, teinté de nostalgie, mais qui n'oublie pas de garder une touche d'humour, comme les coupes exigées par le curé et sa clochette, sans qu'un jugement ne soit porté. On mettra juste un petit bémol pour le sauvetage peu crédible effectué par le petit garçon à la force insoupçonnée pour la circonstance, mais c'est vraiment pour pinailler.

Le-gamoun
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le 17 sept. 2025

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