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« Je ne pensais pas avoir ce goût du mélodrame, Emily »

Charles Kane s'est bâti un empire et meurt seul dans son palais plein de statues, qu'il avait achetées à prix d'or, peut-être pour être moins seul dans l'immensité, loin des gazetiers, des murmures et des lumières de la ville... Après tout, il n'avait besoin de personne.. Qui est Charles Kane ? On ne le sait pas vraiment. Ce qu'il en reste, c'est la banque qu'il était, et son nom sur la première page de journaux: il est Mister Kane, il est le Citizen Kane qui éclipse un homme. Ce qu'il laisse avant de mourir, c'est un dernier mot : « Rosebud. »


Le cinéma a fêté ses cent ans, Orson Welles aussi. Citizen Kane, reste selon l'American film Institute le plus grand film de tous les temps. Que s'est-il donc passé en 1941, deux ans après le premier festival de Cannes ? Rosebud pourrait bien être le Mc Guffin qui a révolutionné le cinéma.

Orson Welles ou Charles Kane ?
Avec Citizen Kane, Welles redéfinit le cinéma, entre la peinture et le documentaire. Il dénonce le faux de la fiction, par un montage digne des films de campagne du gouvernement américain des années 40, comme celui de Lorentz : pour Welles, le cinéma n'est ni propagande ni pur mélodrame. (On retrouve cette ambiguité dans F for Fake qu'il réalise en 1975, ou dans Zelig de Woody Allen.) Le film que l'on projette pour lui, c'est un miroir et surtout le support du dialogue, le cinéma est un théâtre comme chez Shakespeare qu'il admire: Citizen Kane est la matrice d'un cinéma réaliste aux influences baroques, donc humaniste à la recherche de la Vérité, de la pièce qui manque à un Puzzle.


Citizen Kane, ou l'avènement du spectateur :


Welles montre avec ce film l'intérêt du divertissement. En mêlant prolepses, analepses, ellipses, Orson Welles récuse la linéarité du cinéma de Griffith qui structure beaucoup de films en 1940 : Welles veut un spectateur émancipé, qui reconstruise la narration par lui-même. Pour cela, Welles donne au spectateur de la perspective visuel, en déployant l'espace filmique dans le cadre ; pour pallier cet handicap temporel, il donne au champ de la  profondeur, donc de la perspective au spectateur. André Bazin le dit ainsi : le spectateur est libre de regarder où il veut dans le champ. Welles veut un cinéma sensible et surtout proche du réel, de ses ambiguités, du visible et de l'invisible, de son immensité. En proie au réel, à la surprise, le spectateur se fait sa propre idée de, ou du Citizen Kane; il trouve sa place dans cette enquête, grâce aux indices dans le cadre, le champ et le hors-champ. 
Camille_H
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le 6 sept. 2016

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