Civil War
7
Civil War

Film de Alex Garland (2024)

Nous n'irons plus à la guerre, c'est elle qui viendra à nous.

Civil War est un film d'anticipation qui donne l'impression de ne pas tant anticiper que ça. Et c'est ce qui est glaçant ! Dans ce road trip en pleine nouvelle guerre civile américaine au cours duquel Alex Garland exacerbe les scissions politiques et sociales du pays, on suit une équipe de reporters décidés à rejoindre Washington depuis New-York pour interviewer le président.

S'il n'est pas exempt "d'incohérences" dans ses derniers instants, incohérences pardonnables et discutables mais maintes fois relevées par les spectateurs, qu'ils aient aimé ou non, il a été pour moi un véritable choc visuel qui m'a bousculé, presque terrifié, abasourdi pour différentes raisons sur lesquelles je préfère m'attarder.

Reporters sans fard

Le premier choc va à Kirsten Dunst. Son visage fatigué, marqué et vieillissant témoigne d'abord des années qui passent pour l'actrice mais il va très vite refléter le vécu et les cicatrices de Lee, son personnage de reporter photo. On comprend rapidement que les conflits vécus et le poids des images ramenées de ses voyages, décrits en une séquence condensant l'horreur des conflits mondiaux, la leste d'un poids inhibant ses émotions. Imperturbable face aux pires instincts de ses semblables, voici le prix à payer pour ce travail qui la ronge doucement.

Mais l'actrice n'est pas seule à nous en mettre plein la vue. Wagner Moura qui lui est diamétralement opposé semble, malgré quelques fulgurances attendrissantes envers la débutante Cailee Spaeny/Jessie et un réel attachement pour ses pairs, se nourrir de l'adrénaline sécrétée par les situations à risque qu'il pourchasse comme autant de chimères grisantes. Attitude aussi déstabilisante pour nous qu'elle le sera pour lui à mesure que défilent les kilomètres. Stephen McKinley Henderson, visage de l'expérience dans ce métier, complète avec son personnage de Sammy, ce quatuor prêt à se retrouver entre deux feux pour témoigner de ce moment.

Un casting solide donc et des personnages stéréotypés certes mais pour lesquels on tremblera au fur et à mesure des situations qui jalonneront leur trois jours de voyage.

L'idée d'en faire les héros du film pousse encore plus loin le malaise, faisant d'eux des spectateurs volontaires (comme nous) pour témoigner d'un conflit historique dans lequel ils ne s'impliquent pas dont on se doute qu'il les marquera et les impliquera inévitablement.

Un flou maîtrisé

On saura d'ailleurs très peu de chose sur cette guerre civile si ce n'est que 2 états, le Texas et la Californie, se sont alliés pour renverser le pouvoir en place. Un flou qui, même si on identifie géographiquement le conflit, permet de jeter de l'huile sur le feu de nos craintes et d'exporter la cruauté qui jalonne le récit au delà des frontières américaines. Car c'est ici tout un monde occidental qui se retrouve malmené par nos plus bas instincts. C'est une guerre comme l'histoire récente n'en comptait plus jusqu'à l'invasion de l'Ukraine par la Russie, c'est une guerre possible qui surfe sur le climat actuel et les dissensions qui y sont associées, c'est une guerre entre ennemis qui se ressemblent, contrairement à toutes celles menées jusqu'à maintenant par les Etats-Unis, à des milliers de kilomètres de chez eux. Cette situation rendra chaque moment tragique d'autant plus impactant que mis bout à bout, ils agrandissent une brèche de laquelle jaillissent nos craintes. Nul doute qu'Alex Garland cherchait à nous faire toucher du doigt ce qui nous paraissait encore impensable il y a une vingtaine d'années et il le fait avec brio.

Terrifiantes exactions

La maîtrise du réalisateur explose dans les moments de tensions qui vont crescendo jusqu'à l'apparition d'un Jesse Plemons encore une fois dantesque en seulement quelques minutes à l'écran. Un flegme et une décontraction dans les pires atrocités qui rappelle son personnage de Todd dans Breaking Bad et qui m'ont fait passer un des pires moments de cinéma de ces deux dernières années (adieu mes ongles).

Si le danger est bien évidemment partout, Alex Garland s'applique à créer ce climat d'insécurité permanent même dans les moments en apparence calmes ou décontractés et, il nous prend parfois adroitement à revers comme lors d'une course poursuite en voiture ou au travers d'un mini parc d'attractions routier improvisé.

Le réalisateur d'Ex Machina, Annihilation et Men trouve donc enfin grâce à mes yeux en alliant parfaitement sa mise en scène à son propos. Bien plus terre-à-terre et cru que ces précédents films, Civil War vise juste. Des ruptures de tons dans la mise en scène, une bande originale et une scène de brasier nocturne qui dénotent avec les pires atrocités, une séquence d'action finale impressionnante, tout est maîtrisé jusqu'à la conclusion qu'on imaginait, jusqu'à un générique argentique qui fait écho à l'actualité et finit de révéler les obsessions assouvies de personnages qui tirent parti du chaos, mais à quel prix ?

RicowRay
9
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à ses listes Les meilleurs films A24 et Les meilleurs films de guerre

Créée

le 27 avr. 2024

Modifiée

le 27 avr. 2024

Critique lue 17 fois

RicowRay

Écrit par

Critique lue 17 fois

D'autres avis sur Civil War

Civil War
Yoshii
8

« Nous avons rencontré notre ennemi et c'est nous encore » *

Jamais peut-être depuis 1938 (et le canular fabuleux d'Orson Welles, qui le temps d'une représentation radiophonique de "La guerre des mondes" sema la panique aux Etats-Unis), une illustration...

le 15 avr. 2024

98 j'aime

23

Civil War
Plume231
4

Apocalypse Flop!

Ouais, même en poussant au maximum le curseur de sa suspension d'incrédulité, c'est franchement difficile de trouver une once de vraisemblance quant au fait que si la présence du président des...

le 18 avr. 2024

80 j'aime

12

Civil War
Vanbach
3

I don't need your civil war

Voici un produit apolitique par excellence qui agite un sujet brulant sans jamais véritablement l'aborder. La pilule passe facilement par une technique photographique assez jolie et une mise en scène...

le 25 avr. 2024

50 j'aime

5

Du même critique

The Medium
RicowRay
4

L'exorcisme de Ming

Une bande annonce faite de beaux paysages où viennent s'inscrire shamanisme et étrangeté malsaine, un film d'horreur à la sauce documentaire, Thaïlandais, avec Na Hong-Jin à la production et en tant...

le 16 déc. 2021

10 j'aime

Dragon Ball FighterZ
RicowRay
5

Trop beau pour être trop bien

Ah ça, ils te l'ont vendu à grands coups d'images. Mon dieu, c'est pas vrai, je vais pouvoir jouer à l'anime Dragon Ball Z !C'est pas vrai ?Si, regardes la dernière vidéo !Oh. C'est pas vrai !Alors...

le 16 avr. 2018

8 j'aime

The Strangers
RicowRay
10

What the fuck happened ?!

3ème film de Na Hong-jin, réalisateur de The Chaser qui m'avait déjà époustouflé, et bien c'est une nouvelle fois chose faite avec The Strangers. Impossible d'écrire une critique constructive en...

le 31 juil. 2016

8 j'aime

3