Les forces qui animent l’univers sont les mêmes que celles qui agitent nos cœurs

« Cloud altas » est un film atypique, et c’est peu de le dire. Six histoires en une, six époques et autant de genres différents : aventure, romance, policier, humoristique, anticipation, science-fiction. Un film multi-genre étonnant, passant d’une partie comique très drôle avec la maison de retraite, à une partie plus sombre avec le futur décadent, en passant par l’histoire digne d’un vrai thriller policier sur fond de conspiration. Personnellement, j’ai adhéré à chaque histoire, et surtout les trois citées, très efficaces dans leur genre, avec une préférence pour l’anticipation (genre que j’aime particulièrement), visuellement très belle, plausible, avec des scènes d’action efficaces, et intéressante même si elle est plutôt classique. La réalisation est maitrisée et le film avance sans ennuie, même si la durée se fait ressentir à la fin.
Cette particularité surprend dés le début, lorsque des courts extraits de chaque histoire s’enchaînent les uns après les autres, sans aucune logique apparente. Puis par la suite on finit par s’y habituer, à saisir chaque intrigue, puis à repérer des liens et des idées générales, même si certaines transitions sont trop rapides.

Les mêmes acteurs jouent plusieurs rôles, parfois de premier plan parfois de simples figurants. Un challenge pour eux ainsi que pour les équipes de maquillage. Si certains sont reconnaissables, certains échappent totalement au premier coup d’œil (c’est ce que l’on s’aperçoit lors du générique final). Pour chaque acteur correspond une même âme qui se réincarne, et dont on peut suivre l’évolution. Si certains ne changent guère et sont toujours malveillants, comme Hugo Weaving (partisan de l’esclavagiste, tueur à gage, horrible infirmière), d’autres comme Tom Hanks alternent les positionnements, jouant un homme n’hésitant pas à tuer son ami Ewing pour de l’argent, se rachetant ensuite une conduite en aidant une journaliste contre une puissance industrie, puis devenant de nouveau un homme dangereux, avant d’être un homme courageux tentant d’aider son peuple. On peut suivre également l’évolution des rapports qui unissent les âmes entre elles, ainsi Tom Hanks et Halle Berry (Louise Rey) qui n’avaient pu s’unir en 1973 se retrouvent plus de deux siècles plus tard. Il y a encore d’autres exemples mais inutile de tous les citer.

Les différentes époques sont ainsi liées entre elles, par-delà le temps et l’espace. C’est ce que l’on remarque par de petits détails, comme une lettre ou un journal lus des décennies plus tard. Mais des liens, ce sont surtout les idées. Esclavagisme des noirs ou des clones nés dans des cuves, pour beaucoup la supériorité d’un peuple sur un autre leur donne le droit de disposer d’eux à leur guise et va dans l’ordre naturel des choses. Comme le démontre la phrase qui revient de manière récurrente "le faible est la nourriture dont le fort se nourrit". Quand des visionnaires s’y opposent, on leur rétorque la futilité de leur combat. Pourtant comme on le sait l’esclavagisme fut abolit, et la révolte de Sonmi a profondément secoué la civilisation d’alors. Un événement mineur peut donc avoir d’importantes conséquences que seul le temps peut révéler, comme la révolte de Sonmi-451, élevée au rang de déesse bien plus tard. Ou la mélodie cloud atlas, que l’on retrouve à chaque époque, crée par un compositeur ignoré de tous, mais qui finira par sortir de l’ombre. Nous ne sommes que des gouttes d’eau, mais "qu'est-ce qu'un océan ? Si ce n'est une multitude de gouttes d'eau ?" (Adam Ewing).
« cloud atlas » c’est aussi une dénonciation de l’avidité et du capitalisme (l’entreprise qui n’hésite pas à tuer pour du profit), qui dégénérera en des pratiques révoltantes au XXII° siècle, entraînant ensuite la chute de la civilisation, mais aussi de l’intolérance, envers une autre race ou contre d’autres mœurs, tel l’homosexualité. On retrouve dans les histoires le thème récurrent de la liberté : liberté de vivre en accord avec sa nature véritable (le compositeur Frobisher), liberté de vivre dignement (tentatives d’évasions de la maison de retraite), voir liberté de vivre tout court.

"Nos vie ne nous appartiennent pas. Des entrailles à la tombe, nous sommes liés aux autres. Passé et présent. Et chaque crime, chaque acte de bonté, nous donnons naissance au futur"
« Les forces qui animent l’univers sont les mêmes que celles qui agitent nos cœurs » (extraits du discours de Sonmi)
Cette idée peut paraître assez mystique, niaise pour avoir déjà été entendu (l’amour plus fort que la mort…). Mais il ne s’agit pas que d’amour, mais plus généralement des liens qui unissent les hommes, d’espoir et de liberté. Pour ma part je l’aime assez, déjà parce qu’elle a été suggéré dans « la chute d’Hypérion », et qu’elle fait rêver même si je suis trop cartésien pour y adhérer. De même le thème de la réincarnation apporte de l’espoir, même si j’ai du mal à y croire. L’espoir que nos actions ne sont pas vaines, que les injustices du monde peuvent être réparées si des gens se dressent contre, que rien n’est immuable, que ce que l’on n’a pas su accomplir dans notre existence pourra l’être dans une autre, que nous ne sommes pas seuls.

Le nouveau film des frères (et sœur) Wachowski, à qui l’ont doit le cultissime matrix (et contrairement à Jambalaya je ne le trouve pas surestimé :P ), « cloud atlas » est une œuvre sans précédente, une merveille visuelle dotée d’une grande profondeur, une œuvre transcendantale, sur l’humanité et les liens qui unissent les hommes. Si ce mélange d’histoires peut empêcher d’être emporté émotionnellement vis-à-vis des personnages, de même qu’une certaine froideur dans la réalisation (de fait dans le genre je préfère « Mr Nobody »), ce film est de ces œuvres qui marquent les esprits, pour ceux du moins qui ne sont pas hermétiques à la réflexion.
Enlak
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le 2 mai 2013

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Enlak

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