Les films sur la mafia commencent à fleurir en Italie à partir des années 60 au point de devenir un genre à part entière. Et dans ce domaine, Damiani va rapidement se faire un nom en réalisant des films à mi-chemin entre polars classiques et pamphlets politiques. Avec Confession d'un commissaire de police au procureur de la république, il poursuit un style initié avec l'excellent La Mafia fait la loi. Loin de la dimension violente et romanesque véhiculée par de nombreux films, et notamment par ceux de Coppola, Damiani fait preuve, bien au contraire, d'une grande retenue et d'une extrême rigueur dans le traitement de son sujet. Résultat, son film est très sobre, classique voire un peu austère dans sa représentation, mais surtout il se veut être réaliste et crédible.


La rigueur du travail de Damiani donne à son film l'aspect d'une implacable diatribe envers ces hautes sphères de la société (politique, justice) qui entretiennent des rapports douteux avec la mafia. Ce qui est fort intéressant ici, c'est que le cinéaste ne se limite pas à la dénonciation d'un système corrompue mais insuffle à son film une vraie dimension dramatique à travers le destin de ses héros, le commissaire Bonavia et le procureur Traini. Ces personnages représentent chacun une certaine représentation de la justice, et s'ils se rejoignent sur le but à atteindre, ils s'opposent sur la méthode à employer. Et Damiani de questionner le spectateur (surtout le spectateur Italien de l'époque) sur l'application de la justice dans le pays.


Traini est en quelque sorte le prototype même du procureur idéaliste. Tout beau, tout neuf, sa conception des choses n'est pas encore émoussée par la réalité du terrain, il a totalement foi en la justice. Ainsi, lorsqu'il prend ses fonctions, ses intentions sont à la démesure de ses convictions : il veut éradiquer la mafia, les brebis galeuses au sein de la police et la corruption qui s'étend à travers la ville.
Dans son combat contre la mafia, il est rejoint par le commissaire Bonavia qui s'avère être son parfait antagoniste. C'est le flic désabusé par excellence ! Ancien croyant comme Traini, son expérience du terrain lui a fait perdre ses derniers idéaux : c'est le vieux de la vieille à qui on ne la fait pas, et il est prêt à devenir hors la loi pour parvenir à ses fins. La mafia est un adversaire déloyal, il faut agir de même pour la combattre. Ainsi, il n'hésite pas à balancer dans les pattes des mafiosi un tueur fou dans le but de faire un beau carnage.


Pour Damiani, c'est bien l'application de la justice qui pose problème. Sans prendre parti pour l'un de ses héros, il nous montre bien la perversité d'un système qui oblige les défenseurs de la loi soit à se soumettre (à être corrompu), soit à devenir eux-mêmes des criminels. Le dernier plan rend magnifiquement compte du regard désenchanté que porte le cinéaste sur cette société, l'extrémisme d'un Bonavia semble préférable à l'utopisme de Traini : surtout que le procureur, dans sa volonté de bien faire, servira les intérêts de la mafia. Par certains aspects, Damiani n'est pas loin de prôner le vigilantisme pour combattre ce système, ce qui donne un côté sulfureux au film.


Pour le reste, sa mise en scène implacable rehausse une histoire assez classique, rythme et tension allant crescendo au fur et à mesure que se développe l'affrontement entre ces deux personnalités. Damiani délaisse tout effet mélodramatique pour aller à l'essentiel : réalisant la radiographie, froide et sans concessions, d'une société où la corruption a gangrené les différentes strates du pouvoir et des grandes instances, la population est délaissée, sans repère, la paranoïa est omniprésente.


Malgré tout le film donne une impression d'inachevé. Damiani n'évite pas quelques facilités, ses deux personnages principaux auraient gagné à être plus nuancés, on n'est pas loin de l'affrontement entre le bon et le ripou ! Heureusement, la qualité de l'interprétation rehausse un peu le tableau : Franco Nero impose tout son charisme et excelle dans ce modèle de droiture ; quant à Martin Balsam, son aspect affable se mariant très bien avec le caractère désabusé de son personnage.
Seulement, on aurait aimé un peu plus de profondeur avec les personnages secondaires (ici, la seule femme de l'histoire à une fonction assez ridicule) et un peu plus de subtilité dans le traitement de l'histoire. Confession d'un commissaire de police au procureur de la république reste un film solide, sans doute moins abouti qu'un Z mais qui reste d'une belle efficacité.

Créée

le 1 nov. 2021

Critique lue 160 fois

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Procol Harum

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