Alors que les super-héros gagnent de plus en plus de terrain dans nos salles obscures, la Warner tente elle aussi de métastaser son univers horrifique en franchisant (Annabelle, La Nonne). Conjuring : Les Dossiers Warren avait permis au studio d’amasser la rondelette somme de 320 millions de dollars. Ce nouvel engouement pour le film d’épouvante a précipité un nouvel âge d’or, pour le meilleur comme pour le pire. L’heure était donc venue pour le couple Warren de reprendre du service sous la caméra de James Wan, s’étant fixé pour objectif de conjurer la malédiction des mauvaises suites. Après une folle embardée motorisée (Fast and Furious 7), le réalisateur malaisien faisait ses «adieux» provisoire au genre pour s’épanouir vers d’autres courants hollywoodiens (Aquaman).
L’Emprise des Ombres
Conjuring 2 : Le Cas Enfield délaisse la sinistre campagne pour la banlieue londonienne. Ed et Lorraine Warren sont investis d’une nouvelle mission, venir en aide à une famille victime de phénomènes paranormaux constatés par les forces de l’ordre. Mais entre les visions infernales, l’influence d’un esprit démoniaque, les suspicions de canular, et l’opprobre journalistique, le couple de démonologues se retrouve à devoir mener l’une de leur plus périlleuses investigations.
La mention «adapté d’une histoire vraie» porte néanmoins à caution, et ne saurait occulter ce que ce blockbuster saisonnier souhaite nous infliger en termes de sensations fortes et d’émotions. Rapidement expédié, les manifestations surnaturelles (poltergeist, bruits inextricables) auquel le public est désormais coutumier ne servent qu’à amorcer une mécanique frissonnante, s’exprimant à travers une présence maléfique prenant peu à peu possession du corps et de l’esprit d’une petite fille innocente.
Moins suggestif que son aîné, Conjuring 2 : Le Cas Enfield déploie un véritable kaléidoscope de situations horrifiques prompt à nous happer le palpitant. En effet, le film pourrait se résumer à sa visite introductive dans le manoir hanté d’Amityville, celle d’un tour de train fantôme cédant volontiers aux jump scares. Les ressorts ont beau être aussi éculés et artificiels que dans une attraction foraine, ils n’en restent pas moins efficaces et inventifs grâce au pouvoir d’altérité de la menace, revêtant tour à tour plusieurs formes (le Crooked-Man, la nonne ressemblant à Marilyn Manson..).
À l’instar d’Insidious, le montage superpose le monde des esprits à celui des vivants, à travers des éclairages expressionnistes (ténèbres et clairs obscures) s’adaptant aux temporalités jour/nuit parfois en un seul mouvement d’appareil. James Wan embrasse l’orientation onirique de ces terreurs infantiles, guidées par une mise en scène ostentatoire et une science du découpage relevant d’un véritable tour de magie (la scène du portrait prenant vie reste à ce jour l’une des meilleures que l’on ait vu sur grand écran). Les prises de vue amples et immersives s’affranchissent du décor pour explorer pleinement l’environnement tel un esprit se mouvant dans l’espace en trois dimensions. L’horreur insidieuse naît de cette géographie spatiale avant de jaillir et nous étreindre de ses mains, dents et rictus incisifs.
L’Horreur Populaire
James Wan développe le tissu social sur lequel repose le drame de cette famille monoparentale se heurtant à l’incrédulité des pouvoirs institutionnels, des services sociaux ainsi qu’à celle de l’Église, cette dernière réclamant des preuves afin de pouvoir ordonner un exorcisme. Conjuring 2 : Le Cas Enfield approfondit les rapports animant l’équilibre précaire de cette unité qui menace de rompre à tout moment. Le délitement de ce décor pavillonnaire (usure de la plomberie, papier peint défraîchi, plancher moisi, mobilier maudit) cristallise la détresse psychologique de ses protagonistes.
Parallèlement aux galères et épisodes surnaturels frappant le ménage, l’intrigue s’intéresse aux doutes et souffrances de son couple de démonologues. Ils cherchent à fuir les tumultes médiatiques et le vampirisme de ces esprits démoniaques consumant peu à peu leur intégrité. L’approche est intéressante et permet d’épouser le point de vue des protagonistes afin de semer le doute et la confusion à travers différents effets de mise en scène (jeux d’ombre et de reflets dans le miroir, utilisation de flou artistique, de décadrages et faux semblant altérant la perception de la menace et de l’environnement). Le public s’interroge alors sur le caractère surnaturel des événements et cherchera à démêler le vrai du faux.
Afin d’apprécier pleinement ce tour d’illusion à sa juste valeur, il vous faudra donc faire acte de foi et de bravoure. Victime d’une communication marketing opportuniste et virale, le film n’a pas pu échapper aux nombreux débordements et incivilités d’une frange cherchant à dédramatiser. Entre les cris, les rires, railleries, l’utilisation prohibée des téléphones, les accoudoirs martelés par les griffes du voisin, les bavardages intempestifs, et les coups de pied balancés dans le dossier, l’expérience fut particulièrement éprouvante pour une large partie du public. En s’attachant à retranscrire l’horreur d’une classe populaire, Conjuring 2 : Le Cas Enfield a fini par contaminer son audience cédant à l’hystérie collective. Les mauvais esprits ont donc encore de belles nuits devant eux.
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