Ours d’or au dernier festival de Berlin, ce Corps et âme s’ouvre comme un film animalier, avec une scène entre un cerf et une biche vivant d’amour et d’eau fraîche dans une forêt enneigée, puis des vaches dans un abattoir prêtes à être abattues. Vous me direz c’est un peu le jour et la nuit de la condition animale ? Oui, mais c’est aussi la nuit et le jour de l’homme et de la femme dont le film va nous conter l’histoire.
Il est directeur de cet abattoir de bovins, elle est la nouvelle contrôleuse qualité de la viande de ces mêmes bovins (on nage en plein romantisme n’est-ce pas ?). Enfin, ça c’est le jour, parce que la nuit cet homme et cette femme ont la particularité extraordinaire de faire le même rêve. Nuits après nuits, ils rêvent tous deux qu’ils sont lui un cerf, elle une biche, dans une forêt enneigée, au bord d’une rivière. Evidemment, quand ils vont apprendre que chaque nuit ils s’aiment comme des bêtes (mais chastement), ils vont tenter de se rapprocher dans leur vie diurne.
On va alors assister à une belle rencontre entre un homme d’âge mûr, bienveillant, mais résigné à finir sa vie seul et une jeune femme autiste, craintive mais volontaire, aux gestes mécaniques comme un robot. Ils aimeraient bien concrétiser cet amour qu’ils vivent en rêve, mais du rêve à la réalité il y a souvent un pas difficile à franchir.
La photo est belle aux teintes froides et claires qui tranchent avec le rouge du sang qu’on voit couler parfois. La caméra est souvent proche des corps, à fleur de peau, pour mieux dévoiler l’âme des protagonistes. Les deux comédiens sont impeccables, lui à la bonhomie rassurante dans le style d’un Jean Rochefort (auquel il ressemble), elle inquiétante avec son regard hagard et sa rigidité maladive
C’est déroutant, lent, fascinant, poétique, parfois dur, parfois drôle, onirique par moments, ou au contraire d’un réalisme cru, à la fois corps et âme. Une histoire d’amour très originale. Pour moi, un des meilleurs films de cette année 2017.