Quelques lignes pour corroborer ma note sur ce film qui a obtenu l'ours d'or à Berlin, de très bonnes notes parmi mes éclaireurs et jouit d'une bonne moyenne SC.
L'histoire de deux personnages singuliers en mal de communication, une autiste et un infirme désabusé qui communiquent dans des rêves communs, vont se découvrir grâce à eux et pouvoir enfin toucher l'amour, le vrai, celui qui associe le corps et l'âme, d'où le titre. En somme, une romance matinée de fantastique.
Et ça commence plutôt bien lors de la première scène, onirique et franchement magnifique, dans laquelle deux cervidés complices, nos inadaptés imagés, se calinent à l'abri de tout dans une forêt enneigée. Belles images contre-balancées immédiatement par l'environnement de travail de nos personnages, aliénant forcément la chaire et l'esprit, un abattoir, choix non fortuit. En effet, à cet étalage de déshumanisation laborieuse, la réalisatrice ajoute la découpe clinique d'une pauvre vache, séquence assez répugnante mais surtout à la sanguinolence gratuite.
La stérilité du film se résume ainsi dans ces deux séquences: un rêve incapable d'enfanter des images autres que celles imposées, d'accorder une liberté à l'imagination du spectateur, de créer du beau autre que plastique, jusqu'à matérialiser sa vacuité dans le plan final ; Une réalité à la laideur caractérisée en un empilement de constats faciles et vains : le travail et sa mécanisation donc, le débit d'un animal presque personnifié, "façon" spéciste, les psychiatres gentiment raillés, la police fatalement corrompue, les hommes obsédés ou pervers.
Tout ceci s'agrémente de quelques images à la gratuité complaisamment dosée comme le porno à la télé (j'y reviendrai), la veine entaillée qui infuse esthétiquement l'eau du bain, le coït vulgaire.
Les deux instants les plus réussis prennent à contre-pied ce que je viens de dire. Le premier, après un songe partagé et commenté d'un " C'était très beau", tisse un lien entre ces deux mondes et suggère enfin une émotion dont est dépourvu le reste du film. Le second, le petit-déjeuner que nous sommes invités à partager et non à observer comme un documentaire animalier.
Enyedi réalise donc un film romanesque fantastique, original et loin des canons du genre; Un film sans affect, sans humour, sans partage, sans amour dont le fantastique sert moins le film que de caution intellectuelle; Un film en prise avec son temps, effleurant des problématiques qui auraient dû inviter à la réflexion un spectateur, encouragé en cela par la lenteur du long-métrage; Un film de festival que la beauté formelle et la bonne idée fantastique rendent infatué, dont la profusion des sujets tente de cacher la grande superficialité.


N.B. : un gros plan sur sodomie digne d'un bon gros gonzo dans un film déconseillé aux moins de douze ans, est-ce possible ?
Avec le CSA, la réponse est affirmative. Les "intelligences" qui le composent ont certainement estimé que l'argument artistique fait loi et autorise la diffusion d'images pornographiques aux enfant et ados de 12 à 18 ans...

GrandTyrion
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le 11 mars 2021

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