Il y a toutes sortes de films.
Certains existent pour divertir, d’autres pour réfléchir, certains pour émouvoir, d’autres pour endormir. Il paraît même qu'il y en a certains rien que pour jouir... et puis il y a ceux qui ne cherchent qu’à déranger, pour mieux affoler chez le spectateur ce qu’il lui reste d’équilibre. Crash est de cette dernière espèce de films, dont Cronenberg demeure sans doute le représentant le plus zélé.
Pourtant, en dépit de cet incontestable talent, une question n’a cessé de me tourmenter, tout au long du visionnage, et même longtemps après : à quoi bon tout ça ? Deux heures et quelques de tantrisme turbo-mécanique… pour quoi, au juste ?
Alors oui. D’accord. Je crois qu'on a compris. J’ai bien capté l’exposé viscéral sur la quête du plaisir, poussée à bout, qui finit par se confondre avec la douleur, l’étreinte avec la violence, la machine faite chair et la chair faite machine… Ça oui je l’ai vu, je l’ai même bien vu… OK.
Mais honnêtement… Était-ce vraiment nécessaire ? Mon existence avait-elle vraiment besoin de subir cette parodie d'initiation sadomasochiste ? Devait-on absolument mobiliser tant de savoir-faire juste pour provoquer toutes ces émotions troubles, toutes ces pensées confuses, voire (pour les plus chelous d’entre nous) des pulsions que même ce dégénéré de Sigmund aurait laissé au garage ?
Vous me rétorquerez sans doute : « Bah t’avais qu’à pas regarder, abruti ! Personne t’a forcé à rester jusqu’au bout ! » Et je vous répondrai sans doute : « C’est tout à fait exact, vous avez parfaitement raison. »
Mais que voulez-vous ? ... Un instant d’égarement et voilà que je me prends pour le professeur Michael Smith, chercheur à l’université Cornell qui, en 2014, s’est courageusement mis à nu pour se faire piquer par des abeilles, sur vingt-cinq parties du corps, histoire de déterminer où est-ce que ça fait le plus mal. Résultat de l’expérience ? Le nez, la lèvre et le sexe douillent sa mère. Voilà. On est bien content de le savoir. Merci la Science. Maintenant, est-ce que ça valait vraiment le coup ? Je crois pas tellement… C'est en peu de mots ce que j'ai vécu avec Crash.
Pour tout dire, je comprends Francis Ford Coppola.
On aime bien faire passer pour un caprice son refus de remettre la Palme d’Or à David Cronenberg ; pour ma part, j’aime mieux voir, dans ce refus, un acte philanthropique. Traitez-moi de rétrograde, de pudibond, de misomuse, de petit particulariste de seconde zone si ça vous chante ; rien ne me dissuadera de penser qu’en matière d’art, il faut parfois savoir résister à certaines explorations, surtout quand elles cherchent à tâtonner aussi profondément que possible dans les bas-fonds de la perversité humaine.
Franchement, à ce stade... l’homme n’a-t-il pas déjà ouvert suffisamment de boîtes de Pandore ?
Moi je crois la question elle est vite répondue.