« I wanna rewrite history. » ADONIS CREED

En 2015, Creed marque un tournant important dans la saga Rocky. Réalisé par Ryan Coogler, le film parvient à relancer la franchise avec fraîcheur et émotion, tout en introduisant une nouvelle génération de personnages. Le film rencontre également un solide succès au box-office, ce qui rend l’idée d’une suite presque inévitable.

Sylvester Stallone, fort de l’expérience acquise au fil des ans et de son lien intime avec l’univers de Rocky, s’implique pleinement dans la suite. Il est nommé producteur, scénariste, et envisage même de reprendre la réalisation. Il entame l’écriture du scénario aux côtés de Juel Taylor. C’est à ce moment-là qu’émerge une idée forte : faire revenir Ivan Drago, le redoutable adversaire russe responsable de la mort d’Apollo Creed. Cette décision crée un lien direct et chargé d’émotion avec le passé, tout en apportant un nouveau souffle dramatique à l’histoire d’Adonis Creed.

Malgré son implication initiale, Sylvester Stallone choisit finalement de ne pas réaliser cette suite. Il préfère se concentrer pleinement sur son rôle de Rocky, qui prend une dimension plus introspective et mentorale dans cette suite. Cette décision peut également être vue comme une volonté de laisser une nouvelle génération de cinéastes s’exprimer, tout en restant garant de l’héritage de la saga.

Steven Caple Jr., un jeune réalisateur alors surtout connu pour son travail à la télévision, est choisi pour remplacer Sly. C’est un pari audacieux, mais symbolique : confier la suite d’une franchise mythique à un nouveau talent, dans la lignée de ce qu’avait initié Ryan Coogler. Caple Jr. apporte un regard neuf, une sensibilité moderne et un certain réalisme qui s’inscrit dans la continuité de la saga.

En 2018, Creed II sort au cinéma et s’inscrit dans la continuité directe du premier opus. Cette fois, Adonis doit affronter Viktor Drago, le fils d’Ivan, dans une confrontation chargée de symboles, de douleur et de vengeance.

La sortie du film est marquée par une annonce qui prend tout le monde de court : pendant la distribution du film, Sylvester Stallone déclare qu’il ne reprendra plus le rôle de Rocky Balboa. Un timing surprenant, presque abrupt, qui laisse planer un certain malaise. D’autant plus que l’acteur confie par la suite sa déception vis-à-vis d’une scène coupée au montage, sans que l’on sache réellement s’il y a eu désaccord avec la production. Ce retrait progressif, d’abord de la réalisation, puis du rôle emblématique, me laisse un goût amer comme si une page se tournait dans une certaine confusion.

Pourtant, le film n’est pas seulement une suite, c’est une lettre d’amour à l’univers Rocky. Le film oscille habilement entre le poids du passé et la construction d’un avenir, entre la nostalgie et l’espoir. Il réussit à lier deux générations : celle qui a vibré avec Rocky Balboa et celle qui découvre l’intensité du ring à travers Adonis Creed. À travers cette dualité, le film propose une réflexion touchante sur l’héritage, l’identité, et les combats intérieurs que chacun porte. Pour les fans de la première heure comme pour ceux de la nouvelle génération, c’est un pur moment de cinéma chargé de respect et d’émotion.

Dolph Lundgren et Florian Munteanu incarnent les Drago, Ivan et Viktor et l’une des grandes réussites du film est la manière dont il redonne de la profondeur à Ivan Drago, autrefois caricature d’un ennemi soviétique. Depuis sa défaite face à Rocky, Ivan a été rejeté par son pays, humilié, abandonné. Cette disgrâce, il la porte comme un fardeau, et il projette toute sa volonté de réhabilitation sur son fils Viktor. Ce duo père / fils devient le miroir déformé d’Adonis et Rocky. Là où Ivan cherche à se reconstruire à travers la réussite de Viktor, ce dernier aspire surtout à retrouver une dignité, un nom, un sens à sa vie. Cette complexité rend les antagonistes bien plus humains et bouleverse les codes traditionnels du gentil contre méchant.

Florian « Big Nasty » Munteanu commence une carrière amateur en boxe, participant à des compétitions locales et nationales en Allemagne. Il n’a jamais été boxeur professionnel au sens strict du terme (c’est-à-dire inscrit dans les grandes fédérations internationales ou ayant une fiche de combats dans les circuits mondiaux comme l’IBF, la WBC ou la WBA), mais il a disputé plusieurs combats amateurs remarqués, notamment dans la catégorie poids lourds. Ce qui frappait chez lui sur le ring, au-delà de sa puissance brute, c’était sa maîtrise technique. Il n’était pas qu’un colosse, c’était un colosse qui savait bouger, esquiver, penser.

Michael B. Jordan continue d’impressionner dans le rôle d’Adonis, un homme pris entre les cicatrices du passé et les responsabilités du présent. La mémoire de son père, Apollo, mort sur le ring face à Ivan Drago, le hante encore. Mais une nouvelle réalité le pousse à évoluer : il devient père à son tour. Ce changement transforme sa manière d’aborder les combats, sa vie, ses décisions. Il ne se bat plus seulement pour un nom ou une revanche, mais pour transmettre quelque chose de plus grand à son enfant. Adonis n’est plus juste un jeune boxeur talentueux ; il devient un homme, guidé par ses blessures mais aussi par son désir de construire un avenir différent.

Le film explore avec finesse la manière dont les enfants héritent, parfois malgré eux, des erreurs, des combats, voire des frustrations de leurs parents. Que ce soit Viktor, façonné par l’amertume et la colère d’Ivan, ou Adonis, marqué par l’absence d’un père mythique, tous les deux doivent apprendre à tracer leur propre chemin. Le film pose ainsi une question essentielle : jusqu’où faut-il porter le passé pour exister, et à quel moment faut-il savoir s’en détacher pour devenir soi-même ?

La relation entre Rocky et Adonis prend une dimension encore plus intime dans cet opus. Rocky n’est pas qu’un mentor : il est une figure paternelle, avec ses silences, ses regrets, ses maladresses. En parallèle, le film aborde aussi sa relation brisée avec son propre fils biologique, qu’il tente timidement de réparer. Ces deux dynamiques, très différentes, montrent à quel point Rocky est tiraillé entre les liens qu’il a perdus et ceux qu’il a construits. Ce thème du pardon et de la réconciliation ajoute une couche d’émotion discrète mais puissante au film.

Comme je le disais, pour les fans des deux sagas, ce film est une véritable célébration. On retrouve Milo Ventimiglia dans le rôle du fils de Rocky, ce qui ajoute une touche de continuité bienvenue. Mais la vraie surprise vient de la réapparition de Brigitte Nielsen en Ludmila, l’ancienne femme d’Ivan Drago, spectatrice froide mais symbolique du destin de sa famille. Ces retours ne sont pas de simples caméos : ils participent à tisser un fil narratif riche, émouvant, et chargé d’histoire.

Le combat final entre Adonis Creed et Viktor Drago est un sommet d’intensité, un duel aussi brutal que symbolique, où chaque coup porté résonne comme l’écho des douleurs héritées. Viktor, tel un bulldozer, entre sur le ring avec toute la rage d’un fils qui veut laver l’affront subi par son père. Mais Adonis, malgré les blessures, malgré les doutes, tient bon. Il encaisse, il se relève, encore et encore, comme l’a fait Rocky avant lui. Et dans ce tumulte de sueur, de sang et de regards chargés, un moment suspend le temps : Ivan Drago, autrefois figure froide de la machine soviétique, choisit cette fois l’humanité. Il jette l’éponge. Non pas pour abandonner, mais pour protéger son fils, pour briser enfin la chaîne de douleur transmise de génération en génération. Ce geste, aussi simple que bouleversant, transforme Ivan en père, en homme. Et comme un murmure venu du passé, les notes mythiques de Bill Conti viennent ponctuer ce moment de grâce.

Ludwig Göransson, déjà acclamé pour son travail sur Creed, revient à la composition avec des morceaux toujours aussi inspirés, mélangeant puissance orchestrale et énergie urbaine. Les musiques accompagnent parfaitement la montée en tension des combats et les moments introspectifs. Cependant, il est vrai que la bande-son semble légèrement moins importante que dans le premier opus. Cela s’explique en partie par l’évolution du personnage de Tessa Thompson, dont la carrière musicale est impactée par sa surdité progressive. Ce choix donne une place plus silencieuse mais symboliquement forte à la musique dans ce second volet.

Creed II n’est pas juste une suite. C’est un film de transmission, de confrontation aux fantômes du passé, de construction personnelle. Il réussit à équilibrer l’hommage à la saga Rocky tout en affirmant l’identité propre de la série Creed. Avec des personnages plus profonds, des thèmes puissants et une mise en scène respectueuse, ce deuxième volet solidifie la franchise comme l’une des plus réussies du cinéma contemporain. C’est une œuvre à la fois nostalgique et tournée vers l’avenir, qui donne autant de coups de poing que d’émotions.

StevenBen
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le 11 avr. 2025

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Steven Benard

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