Streets of Philadelphia.Adonis Johnson,jeune cadre prometteur d'une grande entreprise d'on ne sait trop quoi à Los Angeles,plaque son job et sa vie luxueuse chez sa mère adoptive pour tenter sa chance dans la boxe.Car le gars est le fils naturel d'Apollo Creed,grand champion décédé avant sa naissance,c'est pourquoi il a la castagne dans ses gènes.Sa génitrice ayant rapidement disparu elle aussi,c'est curieusement l'épouse légitime de Creed qui l'a recueilli,pour garder quelque chose de l'homme qu'elle a toujours aimé,en dépit de son infidélité.Elle n'accepte par contre pas qu'Adonis devienne à son tour boxeur,car elle est traumatisée par la mort sur le ring de son mari.Du coup,le garçon se barre à Philadelphie afin d'y rencontrer Rocky Balboa,qui fut l'adversaire puis l'ami d'Apollo,et de le convaincre de devenir son coach.D'abord réticent,le vieux grigou va céder et c'est reparti pour la success story.La franchise "Rocky" est une des rares sagas à n'avoir jamais déçu,en dehors du médiocre "Rocky 5",dont la trame de départ est ici reprise avec cette histoire de jeune boxeur forçant Balboa à l'entraîner.Sans doute est-ce parce que Sylvester Stallone,créateur de la série et interprète du héros,a toujours su maintenir une certaine cohérence narrative et plonger ses films dans un réalisme très éloigné des contes de fées hollywoodiens.Dans les "Rocky",le temps passe et laisse des traces indélébiles.Les personnages vieillissent,chopent des cancers,prennent des coups,perdent l'ouïe ou meurent,connaissent des échecs cuisants et doivent travailler dur pour finir par l'emporter.Certes,le réalisme est relatif,c'est quand même du ciné,et il est surprenant de voir des sportifs de dixième zone surgir de nulle part et parvenir à rivaliser avec des athlètes de haut niveau,ou un boxeur sexagénaire tenir tête au champion du Monde,mais c'est l'ADN naïf de cette saga fonctionnant sur le mythe du rêve américain,cette possibilité de saisir sa chance dans ce grand pays où tout peut arriver si on fait les efforts nécessaires.Il faut dire aussi que cette histoire,c'est celle de Stallone,normal donc qu'il croit à ça.Quand le premier "Rocky" est sorti,en 76,il n'était qu'un acteur trentenaire raté,qui n'avait à son actif que des bisseries de chez Roger Corman ou des séries Z acrobatiques telles que "No place to hide",dans lequel il était un terroriste hippie agissant contre la guerre au Vietnam,lui le futur Rambo,ou le porno soft "A party at Kitty and Stud's".Et voilà qu'un grand studio veut lui acheter son scénario mais ne veut pas de cet acteur inconnu dans le rôle principal.Mais Sly tiendra bon,pas de rôle,pas de script,et c'est ainsi qu'il deviendra une star.L'expérience de l'outsider parti de rien pour arriver au sommet,il l'a donc vécue et il peut légitimement en faire la colonne vertébrale de la franchise.Par conséquent,comme dans toutes les séries,on trouve une architecture similaire,mais comme il y a suffisamment de renouvellement et que c'est assez bien fait,on y prend plaisir à chaque fois.Le réalisateur Ryan Coogler,qui a coécrit le scénario avec Aaron Covington,reprend les rênes de l'affaire,Sylvester,qui a shooté quatre "Rocky",se contentant de jouer et de coproduire avec les habituels producteurs que sont Irwin Winkler et Robert Chartoff,décédé en 2015 et à qui le film est dédié,présents depuis le film initial.Le centre de gravité s'est déplacé car,comme l'indique le titre,c'est Creed junior qui est le protagoniste vedette.Son ascension reprend les bases du "Rocky" d'origine,même si Johnson et Balboa sont très différents.Revoici le boxeur anonyme qui se voit inopinément offrir l'opportunité de combattre pour le titre mondial,et qui pour cela se fait coacher par un vieil entraîneur aux méthodes brutales et archaïques mais in fine parfaitement efficaces.Même le résultat du match final sera identique à celui de "Rocky",ce qui ouvrira logiquement une revanche identique à celle de "Rocky 2",qui ne manquera pas d'avoir lieu dans "Creed 2" avec la même conclusion.La relation fils-père de substitution rappelle fortement celle de Mickey et Rocky autrefois,bien qu'elle soit ici beaucoup plus marquée et exploitée,d'autant qu'elle est compliquée par le sentiment de culpabilité de l'ancien qui ne s'est jamais pardonné de n'avoir pas jeté l'éponge lors du combat entre Apollo,qu'il coachait pour l'occasion,et le russe Ivan Drago,interprété par Dolph Lundgren,c'était dans "Rocky 4",ce qui s'est soldé par la mort de l'américain.Il y a aussi plein de scènes qui s'inscrivent dans la droite ligne de "Rocky Balboa",le film précédent,avec un Rocky vieillissant qui a besoin d'un nouveau challenge pour ne pas sombrer dans la mélancolie.On le revoit désenchanté dans son restaurant,nommé "Adrian's" du nom de sa défunte épouse,qu'il va visiter au cimetière où repose désormais également son beau-frère et meilleur ami Paulie.Parce que "Creed" est au fond une balade nostalgique à travers les hauts lieux de la franchise,où l'émotion étreint le spectateur.Les bas quartiers de Philadelphie,la salle d'entraînement de Mickey,le Museum of Arts dont Adonis grimpe les 72 marches,les "Rocky steps", comme Rocky jadis,et en bas duquel trône la statue de Rocky offerte par Stallone au Musée,sont visités et viennent hanter les mémoires de concert avec les fantômes qui rôdent à tous les coins de rues.Celui d'Apollo bien sûr,mais aussi ceux d'Adrian,de Paulie,de Mickey,et celui d'un Rocky qui s'accroche grâce à son poulain mais les a déjà rejoints dans sa tête.Quelques lézardes apparaissent dans l'ouvrage,comme ce gros rap gavant généreusement dispensé,ces moments too much,la course d'Adonis garni de son ballet de motos,ou ces développements un peu trop prévisibles,par exemple quand la toubib file la documentation à Rocky et qu'on sait illico que Creed va la découvrir,ainsi que des développements trop rapides qui voient Adonis atteindre un peu vite et facilement ses objectifs,mais l'ensemble tient plutôt bien,d'autant que les combats sont formidablement chorégraphiés et savamment filmés,nettement mieux que dans les "Rocky" d'antan dont c'était la grande faiblesse.Michael B. Jordan,sorte de Denzel Washington jeune,manque un poil de charisme et abuse de certaines mimiques,mais il a accompli un énorme travail de préparation et se montre crédible lors des scènes physiques.Quant à Sly,il est impérial et incarne magistralement un Rocky fragilisé,à l'élocution pâteuse,aux traits creusés,au visage mal rasé et à la démarche hésitante.Mais la malice et la roublardise du bonhomme transparaissent encore derrière la façade abîmée,et l'on jurerait voir par moments,derrière les pas mal assurés,la démarche du petit marlou qui traînait autrefois dans les rues sombres de Philadelphie.Les seconds rôles sont plutôt moyens mais,tout étant axé sur les deux vedettes,on les voit fort peu.Il y a cependant Phylicia Rashad qui est la veuve d'Apollo,emploi tenu avant elle par Sylvia Meals,qui connut la renommée en étant la femme de Bill Cosby dans le "Cosby Show".Notons pour conclure que la partition de Ludwig Göransson flirte fréquemment avec le score original de Bill Conti,au point qu'on attend sans cesse le démarrage,qui ne viendra pas,ou alors fort brièvement en mode mineur,du fameux "Gonna fly now",la célèbre "musique des Grosses Têtes" de RTL,ce qui est légèrement frustrant.

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le 9 nov. 2019

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