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A rentrer à l’aveugle dans Cross of Iron, avec pour seul accroche le nom de Sam Peckinpah à la réalisation, on est d’emblée interloqué par le parti pris de raconter l’histoire d’une troupe de la Wehrmacht. Les Alliés sont l’ennemi, et notre empathie sera immédiatement dirigée vers l’ennemi historique et donc instinctif. Le récit est celui du soldat universel, plongé dans un chaos sur lequel il n’a aucune prise et retransmis à l’écran dans les batailles tonitruantes, les ralentis signature du cinéaste, et les scènes de dialogues absurdes. L’objectif est unique, survivre au milieu de cet enfer, tant celui du feu nourri que celui d’une hiérarchie incapable, d’une armée en débâcle à la trajectoire inéluctable, et d’une vanité des orgueils s’entrechoquant.


Au milieu de cette débandade générale se tient Steiner (James Coburn, implacable), nihiliste au cœur de la tourmente. Il refuse l’autorité, crache sur les décorations, rejette la doxa nazie, renie tout foyer, abjure les classes sociales. Il est une bête réduite à son instinct primal, celui de la meute fuyant la mort, tuant quand il le doit, épargnant quand il le peut. Il est le Hänschen klein, le petit Hans de la comptine qui ouvre et clôt le film, garçonnet qui s’en va voir le monde, laissant derrière lui sa mère esseulée pour revenir sept ans plus tard méconnaissable, buriné par ses expériences.


Le bouchon est poussé par la pression constante d’une fin prophétisée, et dans le brouhaha des balles et explosions, Steiner ne peut que craquer dans un rire dément, hantant le spectateur au même titre que le personnage dont l’imaginaire est peuplé de ses victimes et de ses camarades fauchés par le chaos et la stupidité humaine.


Et Peckinpah de conclure son pamphlet antimilitariste sensoriel par une citation de Bertolt Brecht:

Ne vous réjouissez pas de la défaite du monstre car, à travers le monde qui l’installa, puis l’arrêta, la putain qui l’a engendré est toujours en chaleur

Créée

le 23 avr. 2024

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Frakkazak

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