Edmond Rostand et Jean-Paul Rappeneau forment un duo gagnant

Ah quelle époque,où il n'était pas encore ridicule et immature de régler ses différends à l'aide de sa lame ou de sa langue si on l'avait éloquente et bien pendue.Epoque des chapeaux à plumes arborés fièrement alors qu'aujourd'hui,on les retire volontairement de peur que le public ne parvienne pas à se concentrer sur les parties dramatiques tant l'ornement est regardé avec mépris et amusement( ceci est une vraie histoire,le barde Jaskier en est dépossédé dans l'adaptation netflix de the witcher pour cette (dé)raison).
Et qu'est ce que le panache sinon un ornement,une plume dressée de façon insolente et fière au faîte de la Vie,dont on se pare et que l'on espère emporter intact avec nous dans l'Autre Monde,tout comme Cyrano de Bergerac lui même l'espérait; lui qui s'était attiré de nombreux ennemis qui voulait lui faire courber l'échine et le faire ramper bien bas afin que son appendice si voyante ne leur gêne plus la vue et qu'elle râcle le sol de concert avec cette fameuse plume dont la vision les irritait si fort en leur rappellant fort désagréablement tous les compromis et les petites bassesses qui avaient parsemées leurs vies et dont le souvenir n'était parvenu non pas à créer un remord mais bien une sorte de gêne vague dans leur âme.


J'attendais beaucoup de Gerard Depardieu dans ce rôle si charismatique et s'il ne m'a pas déçu et qu'il m'a même impressionné par son élocution tout a fait remarquable,c'est bien le talent de réalisateur de Jean-Paul Rappeneau qui m'a frappé à de nombreuses reprises et ce alors que j'étais à tout instant, assailli par le débit effréné de la cascade de verve et de flamboyance se déversant de mon écran.
C'est simple,je ne pense jamais avoir autant apprécié la langue française et le film m'a donné envie de lire la pièce d'Edmond Rostand dont il tire ses lettres de noblesse.
Le premier constat est le suivant: Jean-Paul Rappeneau a évité avec brio l'écueil que constitue l'adaptation d'une pièce au cinéma car les acteurs déclament leur poésie avec un naturel désarmant qui ne soustrait rien à leur puissance d'interprétation théatrale.
Les scènes s'enchaînent de manière très fluide donnant une impression de fondu général du meilleur effet.Le réalisateur a pris grand soin de trouver la meilleure transition possible entre chaque scène et le film se déroule sans temps mort,tel un roulement de tambours bien rythmé.
J'en veux pour preuve cette scène magnifique qui voit le général jaloux et orgueilleux faire enfin preuve de courage étant ainsi fait réintronisé dans la communauté gasconne dans un élan de joie fracassant interrompu,hélas,précocemment par un boulet de canon qui vient frapper le sol à quelques mètres du groupe en liesse,ce que la caméra filme parfaitement avant d'opérer un changement de plan fluide et audacieux sur le mouvement des troupes espagnoles en marche!
Ceci m'amène par conséquent à parler de la beauté des plans et de la qualité de l'approche artistique qui fut jusqu'à me faire penser à Rembrandt ou Vermeer. La reconstitution historique m'a convaincu et les cadres bucoliques et évocateurs dénichés pour l'occasion me ravirent la pupille,il me le faut dire.
La fin,seule,me déçut,je l'admets de par son ton trop indécis entre drame poignant et tragicomédie dans laquelle je trouvai Depardieu comme soudain désemparé et dépassé par son personnage mais c'est un petit point noir qui viendra seulement embellir l'ensemble tel un point de beauté sur un visage.


Est-il besoin de parler de l'histoire,charmante et cruelle à la fois qui est racontée avec une grande humanité et une certaine pudeur scénique malgré le défèrlement de vers hautement passionnés par le sentiment le plus noble et le plus indispensable qui soit ici bas: j'ai nommé l'Amour avec un grand A,oui mesdames et messieurs car "Cyrano de Bergerac" est avant tout une fable amoureuse touchante et vibrante qui saura trouver,je l'espère,le chemin de votre coeur aussi sûrement que l'épée de Cyrano celui de ses adversaires.
Car à la fin,il touche!

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le 5 mars 2021

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