Voir le film

BlacKkKlansman m'avait ravi, alors je l'avoue, mes attentes étaient plutôt élevées pour Da 5 Bloods. Mais quelle déception quand même...


J'ai eu l'impression que Spike Lee ne savait pas quoi faire et a décidé de "tout" faire, dans le doute. C'est un film militant et ça n'a rien d'une surprise, mais je trouve que le militantisme est moins bien mis en avant que dans BlacKkKlansman. La fin de ce dernier n'était pas subtile, mais elle était marquante, violente, elle allait chercher le spectateur. Tout comme l'intro. Ici on nous refait le coup des images d'archive de temps en temps, avec les inserts chers à Spike Lee avec des scans de documents ou de photo sur fond noir, mais ça ne s'imbrique pas bien dans le reste du film. Les changements de ratio ne sont pas très pertinents non plus à mes yeux, là où dans Lucy in the Sky par exemple qui en contenait beaucoup plus j'y voyais toujours un sens. En fait ici je ne comprends pas l'intérêt du 1:85 pour la moitié du film alors qu'on alternait le scope et le 1:33 de façon plutôt harmonieuse, mais je ne suis peut-être juste pas doué.


Les passages en 1:33 d'ailleurs il faut en parler : la photo devient criarde, l'image granuleuse et tout fait cheap. Alors, je me suis dit que c'était un hommage aux films de la blaxploitation, une façon de revisiter Apocalypse Now à travers un pan du cinéma afro-américain. Seulement entre l'hélico, les coups de feu et les giclées de sang en numérique qui se grillent à des kilomètres, le charme que ça pouvait avoir est mort et enterré et ça ressemble à des films amateurs, pas à des films d'époque avec leurs maladresses. Limite, si l'hélico avait été une maquette sur les plans larges et du carton-pâte sur les plans serrés et les coups de feu des pétards, je crois que j'aurais plus aimé. Quitte à ce que ce soit fait pour pas cher, autant que ça ait du style.


Et ce manque de budget pour les effets spéciaux se ressent aussi à mon grand désarroi dans le reste du film, avec encore ces coups de feu qu'on retrouve lorsque nos vidéastes internet préférés s'emparent d'un pistolet en plastique. C'est un film de Spike Lee quand même, c'est triste ce manque de moyens !


Et le fait que tous les genres s'entrecroisent dans un même film casse totalement sa dynamique. De manière générale, varier les tons dans un film, quand c'est toujours bien fait, ça forme, à défaut d'être cohérent, un tout très agréable à regarder. Là, on se perd dans des longueurs à chaque fois. La plupart des scènes durent trop longtemps, pourquoi passer 5 minutes sur un vietnamien qui veut vendre un poulet ? On aurait pu montrer à la fois le racisme et les traumatismes de la guerre du Vietnam dans cette scène en la rendant beaucoup plus courte, là on attend juste que les deux personnages s'énervent et ça traine. La petite référence à Black Lives Matter c'est chouette, mais en quoi ça s'insère dans le reste du film ? Ce n'est même pas un ajout à la fin, c'est vraiment un élément qui arrive comme ça sans trop de raison derrière, les personnages ne parlent pas du mouvement avant dans le film mais ils évoquent Trump ou le racisme dans leur pays, avec un certain détachement d'ailleurs je trouve. Ça fait partie de leur vie, ça les ennuie, mais ils ne semblent pas particulièrement militants eux-mêmes pour cette cause, ils ont plutôt bien réussi leur vie. On notera aussi la non-subtilité de l'évocation de Trump dans l'une des scènes finales, trop tardive et pas satisfaisante pour un rond. Je pense que cette ruée vers l'or présente dans le film n'est pas forcément un bon point, car elle laisse place à de nombreux ventres mous et des personnages qui deviennent détestables sans trop de raison, ils font juste un virage à 180° d'un coup.


On va terminer sur quelque chose de positif quand même, les acteurs jouent bien, je n'ai franchement rien à reprocher à la distribution. Il y a des moments de tension réussis (la scène de la mine), et bien que ce soit fourre-tout, c'est quand même bourré d'idées car le film reste généreux. Que ce soit les acteurs qui avancent en dansant avec la caméra qui reculent devant eux, le plan à la Spike Lee des personnages sur un rail, une contre-plongée un peu malaisante sur le fils d'un personnage, les choix musicaux... Si je n'ai pas été très tendre avec les effets spéciaux du film, les scènes d'action restent quand même assez bien filmées aussi.


Je suis très partagé, le film aurait pu être excellent mais manque cruellement d'équilibre, et un peu de budget aussi.

GuillaumeL666
6
Écrit par

Cet utilisateur l'a également ajouté à sa liste Films vus sur Netflix

Créée

le 13 juin 2020

Critique lue 598 fois

4 j'aime

6 commentaires

Guillaume L.

Écrit par

Critique lue 598 fois

4
6

D'autres avis sur Da 5 Bloods : Frères de sang

Da 5 Bloods : Frères de sang
Vincent-Ruozzi
3

Lives matter

Le réalisateur Spike Lee est sans doute la première personne qui nous vient à l'esprit lorsque l'on parle d'engagement du monde du septième art dans l'émancipation des afro-américains et la lutte...

le 16 juin 2020

47 j'aime

7

Da 5 Bloods : Frères de sang
Behind_the_Mask
4

Ain't it black

Dès les premières secondes de Da 5 Bloods : Frères de Sang, avec ses images d'archives hors sujet, Spike Lee nous rappelle qu'il n'est plus un cinéaste, mais une caricature aigrie politisée bloquée...

le 17 juin 2020

35 j'aime

5

Da 5 Bloods : Frères de sang
JasonMoraw
2

Quand la cause occulte l'art

En cette période de tension avec le mouvement BlackLivesMatter, un film semble débarquer au moment opportun : Da 5 Bloods. Disponible sur Netflix, le dernier-né de Spike Lee s’inscrit dans un...

le 17 juin 2020

27 j'aime

4

Du même critique

Le Parrain
GuillaumeL666
5

Parle plus bas.

Ahlala c'est toujours embêtant de voir un méga classique du cinéma et de trouver ça ennuyeux comme la pluie. Le pire, c'est que je ne suis pas un cas isolé avec Le parrain, des gens qui trouvent ce...

le 19 janv. 2019

45 j'aime

2

The Mandalorian
GuillaumeL666
3

Des mandales ou rien

Ahlala les fans hardcore de Star Wars. Ces gens qui hurlent sur un film qui propose des idées et trouvent merveilleux un scénario absolument vide qui ne raconte rien, fait du fan service et se veut...

le 30 déc. 2019

35 j'aime

13

72 Seasons
GuillaumeL666
5

72 saisons, la durée ressentie à l'écoute

J'écoute Metallica depuis la deuxième moitié de mes années collège, en gros 2009. Ce groupe qui a été la porte d'entrée pour bien des métalleux est rapidement devenu l'un de mes préférés, tout en...

le 15 avr. 2023

22 j'aime

1