Ron est homophobe, impulsif, lubrique ou bien toxico, et à moindre défaut alcoolo. Ron, quoiqu'on en dise est un type normal, un quidam comme il en court les rues. Il a toutes les cartes en main pour paraître détestable et le devient sans trop se forcer. Sauf qu'en apprenant l'annonce de sa mort prochaine, il en vient à cerner bien plus à quoi «survivre» fait allusion, car jusqu'alors rester en vie pour lui ne signifiait rien de plus que boire, tirer son coup et s'injecter une intraveineuse avant d'aller se pieuter. Une annonce pour faire basculer sa vie et comprendre qu'il n'est qu'un être de chair et de sang. Peut être qu'il l'avait déjà compris au fond, lui qui désirait tant profiter de la vie en accumulant tous les vices, comme pour être certain de sentir son corps décrépir sous le plaisir des sens, d'être finalement maître de sa vie comme de sa mort. D'une manière, il l'a tout aussi bien compris, une fois de plus, lors de l'annonce retentissant pour lui comme s'il s'agissait de la fin des temps. Cette fois, profiter de la vie en essayant d'améliorer celles des autres, comme une sorte de mea culpa pour se faire excuser de la vie misérable qu'il menait jusqu'alors. Une tournure plus qu'incongrue, ironique. Lui qui, sans cesse s'exaltait de ne pas être une vermine, la lie de l'humanité, en somme un pédé, hérita de cette condition par le poids des mots.
Ron est certainement de la pire espèce, la nôtre. Une espèce qui ne réalise pas que tous les maux qu'elle engendre viennent de la somme des actions individuelles, pour ainsi dire de la prolifération de mœurs triviales. Il est laborieux par conséquent, de se détacher des conventions d'ordre social pour muter en l'artisan de sa propre révélation et de la sorte, percevoir le monde par les yeux d'un être blanchi de tout perversion. Ce qui aurait pu être la fin d'une vie s'avéra le commencement d'une autre, tant il est dur de croire que dans un même corps puisse à l'esprit de la haine, succéder celui de la compréhension. Ron est en quelque sorte, un marginal qui n'avait d'autre choix que de le devenir car l'altérité eut, sans trop d'efforts, à en décider ainsi; et rien n'est à la fois plus honorable et tendre qu'un marginal qui ne tend pas à l'être. Il fut ordure, et sans le VIH, il le serait probablement encore. Il ne s'agit pas pour Ron d'attendre d'un futur ensoleillé qu'il soit florissant auprès de l'égalité et de la justice, ni qu'il vienne d'ailleurs de quelque génération antérieure, certains, les plus farceurs, diront tombés du ciel. Il faut se l'arracher, faire tomber de son piédestal ces hauts pouvoirs que détiennent les industries pharmaceutiques. Non, décidément, il n'est plus pardonnable et vertueux qu'une ordure qui se transforme en bienfaiteur, en prêcheur de l'heure nouvelle: celle de l'humanisme qui débute, mais ne s'épanouit jamais. Trop facile j'en conviens, mais trop crédule aussi que d'affirmer que les gens bons sont plus nombreux, et le constat pour Vallée semble être une évidence. En définitive, quoi de plus normal que d’espérer le changement d'un homme meurtri en un homme sain sans exercer nul force extérieure l'y contraignant ? N'est-ce pas, par cette prise de conscience inespérée, le summum de la sagesse ? Peu importe, Ron s'en fout d'ailleurs. Mais Ron s'est redécouvert et ça, ça vaut bien plus que toute cette gente qui se donne en public, à vociférer sans discours, à affirmer que pour profiter, il faut se léguer sans âme aucune, à ce vice purulent qui nous empoisonne à nous en faire crever. Profites Ron et espère. Espère que types normaux et autres quidams suivront ta voie en silence, passant de la plus nauséabonde des carnes au plus flamboyant des guerriers menant la lutte pour d'autres. Oui espères Ron, que d'autres vociféreront ce que toi, avec amertume et regrets, a mis trop de temps à explorer. Cette partie de toi dont la beauté te survivra, longtemps après ta mort.