Disparu trop tôt, Jim Henson jouit toutefois d’un héritage tel que son nom ne saurait être oublié : créateur du fameux The Muppet Show, il fut l’un des plus grands promoteurs moderne de l’art des marionnettistes à la télévision. L’artiste ne se limita toutefois pas au petit écran ou à la troupe de Kermitt, celui-ci ayant marqué les années 80 avec deux films de fantasy considérés comme cultes dans leur registre : The Dark Crystal et Labyrinth.
Le premier, fruit d’une coréalisation avec Frank Oz, avait ce petit quelque chose d’intrigant, si ce n’est carrément prometteur pour le spectateur souhaitant échapper (même momentanément) au formatage avilissant du genre actuel. Comble du bonheur, The Dark Crystal n’est pas loin de dépasser nos attentes en faisant preuve d’une ambition n’ayant d’égale que sa justesse, marque d’une volonté de bien faire : capitalisant de surcroît (malgré lui) sur le charme de techniques aujourd’hui désuètes, le long-métrage n’en devient que plus enchanteur.
L’univers de Thra est un savant mélange de mythologie grave, faune et flore foisonnante et imagerie savamment sombre, fondations liées d’un décorum rehaussant à n’en plus finir le classicisme d’une quête éculée. Car, ne nous leurrons pas, The Dark Crystal repose en grande partie sur les arcanes du monomythe : le voyage de Jen n’est donc en rien une révolution en termes de narration ou de grands jalons. Pourtant, fort de son alchimie délectable entre émerveillement et ténèbres, l’histoire concoctée par Henson et Odell va tirer le meilleur de pareils archétypes.
Bénéficiant du travail graphique de Brian Froud, l’atmosphère à nulle autre pareille du long-métrage maintient une immersion de tous les instants : entre déliquescence du cristal et des Skeksis, seigneurs à l’agonie d’un château noir (et de Garthims cauchemardesques), et majesté solennelle des Mystics, bienfaiteurs d’un Gelfling au destin tout tracé, l’aventure de ce dernier ne souffrira d’aucuns temps faibles. Si nous pourrions toutefois pointer du doigt l’obtention de l’éclat, facile à souhait, il ne s’agit que d’un détail en rien rédhibitoire : de fait, l’entrée en scène d’Aughra (et le somptueux décor d’un orrery à grande échelle) témoigne d’une imagination aussi fertile qu’efficace.
D’ailleurs, le design des différentes races souligne parfaitement la passion avec laquelle Henson et consorts leur donnèrent vie, dans la droite lignée de tableaux tous plus incroyables les uns que les autres. Et, malgré le carcan des conventions pouvant l’entraver, quelques surprises n’auront de cesse d’égayer un récit jamais lassant, le concours du vil Chambellan l’illustrant fort bien. Même le rôle de Kira, pourtant propice en grosses ficelles, échappera in fine à la vilaine redite en versant dans une tendresse (et fatalité) du meilleur effet : de toute façon, et au risque de nous répéter, The Dark Crystal est un modèle du genre en ce qui concerne la justesse de ses multiples facettes.
En dépit de ses allures parfois rigides, tant sur le plan formel que narratif, le film de Jim Henson et Frank Oz est donc un incontournable de la fantasy au cinéma, si ce n’est plus. Quelques années plus tard surviendra Willow, autrement plus classique (et moins risqué) pour un résultat ne lui arrivant pas à la cheville : d’ailleurs, nous serions tentés de dire que rien ou presque n’aura fait mieux depuis lors. Nous ne manquerons donc pas de dévorer prochainement le préquel de Netflix, aussi court serait-il.