Les documentaristes sont-ils les meilleurs réalisateurs de fiction ? Dans son approche singulière d'un phénomène de société lui-même hors-normes, le cinéaste britannique Laurence Trush conjugue forme et fond avec exigence. Si le film date de 2008, il nous arrive en 2015 et rejoint cette année la liste des récits mis en image par des cinéastes venant ou s'inspirant du documentaire, Hope, Los hongos, Ventos de agosto.
L’hikikomori toucherait un million de jeunes Japonais s'enfermant littéralement et se coupant du monde. La première approche est stylistique. Travaillant un noir et blanc superbe, très graphique (on pense à certains mangas) et presque abstrait, Laurence Trush met en place les conditions de l'isolement d'Hiroshi. Montrant sans expliquer, dialoguant peu, la narration fait du temps de l'histoire le temps du film et de la porte de la chambre la frontière du visible/dicible et de l'invisible/indicible.
C'est simplement l'histoire d'une famille, les parents, le fils qui s'enferme, son jeune frère. Tout se passe dans la maison ou presque, au rythme du jour et de la nuit, des repas, des tentatives et des échecs. Le temps s'étire et ne se mesure plus, avançant au gré d'ellipses audacieuses. Placés du côté de la mère et du jeune fils, un peu moins du père, le spectateur ne sait pas davantage qu'eux ce qu'Hiroshi fait derrière la porte. On observe et on attend.
La dernière partie fait intervenir un thérapeute et redonne au documentariste les outils d'une approche presque pédagogique. Aucune rupture cependant, Trush maîtrisant sans faillir la progression d'un récit aux articulations subtiles. Film silencieux bordé par une superbe "non musique", préservant le mystère tout en cherchant une issue, De l'autre côté de la porte nous fait découvrir un cinéaste à suivre.
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