C'est un véritable mille-feuille thématique que réalise Paul Newman avec De l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites. A travers la tranche de vie intimiste et peu banale d'une famille peinant à joindre les deux bouts, il brosse autant le portrait d'une Amérique dépressive qui cherche à reprendre son souffle qu’il illustre cette différence qui peut parfois détruire. Les trois occupants de la cellule familiale investie par le cinéaste ont tous un côté singulier, qu'ils exploitent de différentes façons. Et ce sera finalement celle dont l'apparence semble, au prime abord, la plus fragile, qui apportera au noir tableau peint par Paul Newman, la lueur d'espoir finale qui remet toute sa noire démonstration en perspective. En un plan somptueux, il appelle ses spectateurs à ne pas se laisser sombrer, même si la vie peut parfois revêtir un manteau de misère.

Misère symbolisée par un environnement délabré, oppressant, peu éclairé. Quand Newman filme la famille dans son intimité, c'est dans l'obscurité provoquée par un amoncellement d'objets en pagaille. Le cadre est saturé d'éléments, le regard peine à trouver un sens de lecture. Au milieu de cet espace désenchanté, la cadette, Mathilda semble être le seul bourgeon capable de profiter du peu de lumière qui se fraie un chemin dans le bazar ambiant, qu'elle dirige sur ses fameuses marguerites pour mener à bien son projet de science, sa passion depuis toujours. D'un tempérament optimiste et calme, elle parvient à tirer le meilleur d'un environnement difficile, sans juger personne, ni garder aucune rancune. Un personnage touché par la grâce, incarné avec un joli naturel par la propre fille de Paul Newman dont elle a hérité des yeux bleus hypnotiques.

Avec de l'influence des rayons gamma sur le comportement des marguerites Paul Newman parvient à trouver un bel équilibre entre critique sociale noire ébène et moments plus légers, nécessaires à la nuance de son propos. Il mêle habilement tristesse et amusement, au moyen de scènes de la vie quotidiennes, qui se font souvent pesantes, comme lorsque cette mère marquée par son adolescence laisse parler sa rage en public (impériale Joanne Woodward), mais aussi profondément touchantes, à l’image de cette mamie abandonnée par sa fille notamment, qui retrouve le sourire en dégustant un fond de bière dans son mug, habituellement agrémenté d'un peu d'eau chaude et de miel.

Un film marquant, tellement empreint d'émotion que le sentiment que l'on garde en fin de séance est celui d'une jalousie vivace envers cette passion nourrie sans retenue par la touchante Mathilda pour ce mot que l'on apprend à aimer. ATOME.
oso
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le 9 juil. 2014

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