Dead of Winter
5.3
Dead of Winter

Film de Brian Kirk (2025)

Que de violence sur ce film, ça se défoule gaiement sur un projet loin d'être parfait c'est vrai mais bon... allez on pète un coup et on décortique.


On parle premièrement de problème de scénario, taggué de navet débile qui repompe du Fargo du Rambo et je sais pas quoi. Respectueusement, c'est faux. Ensuite on parle de plot-holes, la on se rapproche un peu du vrai mais bon, 1h40 de run blindé de plot-holes, c'est sévère. Flashbacks qui ralentissent le film, encore une fois je ne suis pas d'accord. Ces reproches passent complètement à côté de ce que le film accomplit vraiment, parce que Dead of Winter n'essaie pas d'être Fargo ou un thriller formaté avec une mécanique narrative parfaitement huilée. Kirk filme une réflexion sympa, assez émouvante après c'est peut être mon côté guimauve, sur le deuil tout en le mêlant à un thriller de survie qui refuse certaines conventions attendues.


Emma Thompson donc déjà si le film gâche le talent de l'actrice, il faut le souligner qu'encore une fois, elle porte ce rôle et même un peu ce film sans grand effort juste par charisme et par l'authenticité avec laquelle elle joue cette mamie. C'est quand même pas rien. Barb donc est veuve et elle traverse le Minnesota enneigé pour, on le saura plus tard, disperser les cendres de son mari au Lake Hilda, là où ils ont eu leur premier rendez-vous galant. En chemin, elle tombe sur le kidnapping d'une jeune fille (Laurel Marsden) retenue dans une cabane isolée par deux ravisseurs qui, encore une fois on le saura plus tard

sont impliqués dans le trafic d'organes : une femme en violet (Judy Greer) et un homme en camo (Marc Menchaca), d'ou le kidnapping.

Thompson porte donc le film avec une performance magnétique qui démontre exactement pourquoi elle reste une actrice de premier plan. Voir cette dame en combinaison crasseuse, le nez qui coule dans le froid, ramper dans la neige, se faire flingué et rendre les coups du mieux qu'elle peut, je veux dire niveau intérêt on est pas mal.


On pleure sur les flashbacks pastels qui interrompent l'action, sapent le momentum, transforment le film en navet sentimental. Mais on oublie un peu l'essentiel. Oui, Kirk interrompt régulièrement la tension présente avec des souvenirs ensoleillés de Barb et de son mari défunt (joué jeune par Gaia Wise, la fille de Thompson dans la vraie vie, un détail touchant). Ces flashbacks ne sont pas du remplissage narratif paresseux pour atteindre un métrage je trouve, ils constituent la raison d'être du film. Dead of Winter raconte comment le deuil donne à Barb la force de survivre. Chaque souvenir heureux rappelle pourquoi elle refuse d'abandonner, pourquoi elle continue. Avec les flashbacks, le personnage devient un être humain complet dont la résilience provient directement de l'amour perdu. Le film explore frontalement une question rarement posée, comment quelqu'un qui vient de perdre l'amour de sa vie trouve-t-il encore la volonté de se battre pour rester en vie, et comment cette vie entière à deux têtes formate dans une certaine forme de volonté de self-sacrifice (surtout vu le passif de ce couple en question) Je sais pas, il faut penser à vos grand-parents bordel.


La photographie de Christopher Ross (le DP de Shōgun, rien que ça) capture le Minnesota hivernal avec une beauté désolée. Teintes roses blanches et bleues glaciales, paysages enneigés à perte de vue, tout le monde est d'accord pour dire que la photographie est assez générique, mais bien menée. Le film utilise visuellement la nature comme antagoniste supplémentaire. Le froid lui-même devient mortel. C'est cool, pas ground-breaking mais on est dans le survival donc c'est cool. Kirk filme cette hostilité environnementale avec un respect presque documentaire, rendant les séquences d'action extérieures encore plus tendues. Le blanc partout ne laisse nulle part où se cacher.


Ensuite c'est là que vraiment, la critique gratuite passe pas, je ne vois pas ou il y'a comparaison possible avec Fargo, Comparer ces deux films parce que les deux se passent dans le Minnesota enneigé, c'est comme comparer tous les films new-yorkais entre eux, c'est un peu (très) paresseux. Fargo joue sur l'ironie distanciée des Coen et l'humour noir absurde sauce banditisme/mafieux à la con, Dead of Winter filme un drame de survie contemplatif sur le deuil sans une once de second degré, on est juste au même endroit, that's it. Et puis le comparer à un action-flick genre Taken, Rambo et j'en passe, c'est quand même marrant d'oublier que dans ces films, l'action-hero dans sa quintessence (du moins celui que le cinéma US nous vend), est un homme. La, c'est une grand-mère. Donc même si c'était le cas, même si pour être franc, la grand-mère se bat avec 3 pauvres balles, se fait flinguer, capturer, tabasser

finie par crever quand même soit à l'antipode d'un action hero qui se prend quinze balle dans le bide et se relève

donc est pas du tout sur le même registre, encore une fois.


Parlons un peu des personnages sans épaisseur aussi. Certaines critique se plaignent que la meuf en violet et le vieux congelé n'ont pas de backstory élaborée, pas même de vrais noms. Mais c'est exactement le propos. Violette et Tucker ne sont pas des super-villains avec des motivations complexes à décortiquer pendant une demie-heure d'exposition, ce sont des désespérés de merde impliqués dans le trafic d'organes par instinct de survie qui réagissent avec une violence croissante face à une situation qui leur échappe. Greer joue son personnage comme il faut fin pas besoin de tortiller du cul, elle est désespérée et terrifie précisément parce qu'elle reste humaine, imprévisible, dangereuse sans tomber dans le piège du cartoon. Le film suggère suffisamment leurs circonstances sans les transformer en personnages sympathiques ou en monstres unidimensionnels. C'est du minimalisme narratif efficace, pas de la paresse scénaristique.


Sur les fameux plot holes mentionnés notamment par Variety, pourquoi installer le workshop médical sur le lac gelé (juste à côté de l'espèce de chiotte de Barb) plutôt que dans leur cabane forestière, par exemple? J'ai trouvé l'argument mentionné dans le film compelling (besoin d'un environnement stérile et avec la fonte, plus de scène de crime... faut suivre aussi.). Le lac gelé maintient naturellement une température adéquate. Plus important : un environnement stérile est crucial pour un prélèvement d'organe. Une cabane forestière contient des débris organiques, moisissures, spores fongiques, contamination aéroportée, tout ce qui peut infecter un organe destiné à transplantation. Le lac gelé offre donc un air pur, une surface naturellement stérile, aucune contamination par système d'eau ou ventilation. Et de toute façon, Barb inonde leur cabane, la rendant inutilisable. Et de toute façon, la scène de crime doit disparaitre. C'est plus de la logique criminelle pragmatique qui montre que Violette connaît son affaire. Les autres reproches (Barb qui perd des objets, ne nettoie pas son message) restent du réalisme pur, les gens terrorisés et blessés font des erreurs, et même sans ça, ce plot device montre que Barb cherchait à les attirer sur le lac vu qu'elle a creusé un fucking trou de 3m de diamètre pour qu'ils se cassent la gueule dedans. Je divague. Bon on a beaucoup des mêmes devices employé genre le marteau dans l'orteil, la protection inattendue au niveau du coeur etc...


Niveau rythme on refuse l'action constante hollywoodienne et c'est tant mieux. Cette scène où Barb s'extrait une balle et recoud sa plaie est peut être la seule scène ou je me suis vraiment fait ièch. MAIS, ça reste du survival authentique. Quand la violence explose, elle le fait avec une brutalité réaliste qui claque d'autant plus fort après ces longues périodes de tension. Les critiques qui trouvent ça "ennuyeux" cherchent visiblement du Die Hard, pas un thriller sur la résilience humaine, donc encore une fois, cette comparaison avec ce film et des action-flicks est un non-sens.


La partition de Volker Bertelmann (Oscar pour All Quiet on the Western Front )crée une atmosphère inquiétante qui colle parfaitement à l'isolement glacial, le son final amplifie vraiment la scène et le score en entier est de bonne facture.


Le film explore aussi quelque chose de rare : l'héroïsme des femmes âgées, nom d'une pipe! Pas le fantasme hollywoodien de la mamie ninja qui fait du kung-fu parfait, mais une femme ordinaire de soixante/soixante-dix balais qui puise dans son amour passé pour trouver la force de survivre, de sauver une "enfant" à l'image de ce qu'elle n'a pas pu faire étant jeune, qui se casse la gueule, fait des conneries, pousse des bruits de grand-mère apeurée fin voilà quoi, c'est pas non plus un problème de maths insolvable. Le fait que ce soit deux femmes d'âge mûr (Thompson et Greer) qui portent ce thriller d'action constitue déjà une rareté dans un genre dominé par les hommes vieillissants qui jouent encore les Rambos en béquilles. (Expendables, Rambo 12, Maman ils ont Taken ma grand-mère, qui là rencontrent des critiques incroyables parce que ça se branle sur les muscles stéroidés de Stallone et le crâne chauve de Statham... au moins Barb jeune est jolie à regarder et Barb mamie est inspirante.) Bref critiquer le film parce qu'il n'est pas un autre film par rapport auquel on a senti un rapprochement, c'est vieux jeu.

Dead of Winter représente pour moi exactement le genre de thriller mid-budget adulte et suffisamment intelligent qu'il en devient agréable à regarder. Kirk accouche d'une étude de caractère déguisée en thriller d'action qui privilégie la profondeur émotionnelle sur le spectacle gratuit. Thompson livre une très bonne performance que même les détracteurs du film reconnaissent, Greer apporte une menace crédible, la photographie transforme le Minnesota en personnage à part entière, et la musique est sympa.

Les critiques qui trouvent le film grotesque ou débile cherchent visiblement autre chose, de l'action non-stop, des rebondissements improbables, du formatage hollywoodien ou l'inverse, un thriller d'action film d'auteur peut être, who knows.


Bref, Dead of Winter n'est pas incroyable, en vrai je lui aurait surement mis une note légèrement plus basse si j'avais pas vu à quel point ça se déchaîne sur Rotten Tomatoes et sur ce site. On a un film honnête, avec quelques longueurs, des scènes d'action mais vraiment pas penser pour faire de l'action-flick mais plutôt pour nourrir le côté thriller, une problématique intéressante (sauver une fille d'un kidnapping en ayant des genoux flingués) qui se passe dans le Minnesota mais qui a autant de second degré que le deuil, et qui trouve le temps d'être émotionnellement chargé ('fin moi j'ai pensé à nos mamie tout le long, mariées pour certaines depuis la nuit des temps qui perdent leurs maris avec qui elles sont depuis qu'elles ont appris à parler fin, ça me touche beaucoup les mamies qui se tapent je sais pas.) Malgré ses défauts, certains moins pardonnables que d'autres (un rythme parfois haché, un peu trop de bon sentiment, un final un peu trop vu et revu, certains plot-devices réutilisé à outrance) mais le film raconte une histoire humaine sur comment on trouve la force de continuer après avoir perdu l'amour porté par un très bon lead, et en plus il est pas trop mal dirigé.

bloodborne
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il y a 4 jours

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bloodborne

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